L'installation électrique du Titanic
L'énergie électrique était amplement utilisée à bord du Titanic.
Outre les besoins
importants nécessaires à l'éclairage, l'énergie électrique
était utilisée pour les grues de pont, les treuils, les
ascenseurs pour passagers, les monte-charge, les ventilateurs de
chaufferie et de cabines, les moteurs, les vannes, le convoyeur
de marconigrammes, les appareils de gymnastique, le matériel des
cuisines, les bains électriques, les sifflets, les appareils à
sonder, les indicateurs de soute, les transmetteurs d'ordres, les
horloges, les portes étanches, l'indicateur de barre, les
téléphones, la signalisation sous-marine, la télégraphie sans
fil, etc ...
Bref, l'utilisation de l'électricité était générale.
L'installation électrique du Titanic pouvait donc être quasiment qualifiée de système nerveux du paquebot.
La station centrale
La station centrale était située dans un compartiment étanche spécifique, d'environ 19 m de long sur 7 m de haut, adjacent à l'extrémité arrière de la salle de turbine, au-dessus du plafond du double fond (voir plan).
L'installation principale comprenait 4 machines et dynamos de 400 kW chacune, fabriquées par Messrs. W.H. Allen, Son & Co., de Bedford, et délivrant au total un courant de 16 000 A sous 100 V, dépassant ainsi la capacité de la plupart des stations centrales urbaines.
Une galerie de distribution électrique était située en surplomb à l'extrémité avant du compartiment, au niveau du pont Orlop, et permettait d'avoir une vue d'ensemble des machines.
Implantation de la salle des machines électriques
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Les génératrices principales
Les machines étaient de type compound vertical à triple manivelle et à graissage forcé, et produisaient une puissance de 580 CV chacune à la vitesse maximum de 325 révolutions par minute.
Chaque machine avait son propre système de lubrification interne et possédait un cylindre haute pression de 43 cm de diamètre et 2 cylindres basse pression de 51 cm de diamètre, avec une course de piston de 33 cm. La vapeur était fournie sous une pression de 13 kg/cm2 et s'échappait soit sur la surface de chauffe, ce qui était le cas en mer, soit dans le condenseur auxiliaire, ce qui était le cas au port.
Chacune était directement couplée à une dynamo à courant continu de type décapolaire.
L'une des génératrices principales
Des câbles égaliseurs menaient jusqu'à des commutateurs d'équilibre situés en dessous du pont, près du centre du compartiment, dans le but de réduire et d'égaliser la résistance en étant mis en parallèle. Les tachymètres étaient pilotés par des chaînes silencieuses Hans Renold.
Vue en coupe de l'une des génératrices principales
(Cliquer pour agrandir ...)
Les génératrices auxiliaires
En plus des 4 génératrices principales, existaient 2 machines et dynamos de 30 kW chacune situées sur une plate-forme se trouvant dans le tambour machine au niveau du pont salon D, bien au-dessus de la ligne de flottaison.
Les caractéristiques générales de ce dispositif étaient identiques à celles des génératrices principales, sauf que ces machines étaient de type compound à double manivelle. Chaque machine était munie de cylindres de 23 cm et 30 cm de diamètre, avec une course de piston de 13 cm, et fonctionnait à 380 révolutions par minute.
Les appareils auxiliaires étaient reliés grâce à une conduite séparée de vapeur jusqu'aux chaudières situées dans une ou plusieurs chaufferies, et étaient utilisables en cas de secours lorsque les machines principales étaient temporairement hors service.
Ce circuit de secours alimentait 500 lampes à filament reparties sur tous les compartiments de passagers, d'équipage et de machines, aux extrémités des coursives, près des escaliers et sur le pont des embarcations, de sorte que chacun pouvait trouver son chemin pour aller d'une partie du navire à l'autre.
L'équipement principal de commutation
Le courant était acheminé à partir des dynamos principales au moyen de câbles isolés au caoutchouc, chacun faisant 9,7 cm2 de section et 3,5 cm de diamètre, jusqu'aux commutateurs de commande de dynamos situés à l'avant de la galerie de distribution.
Parmi ceux-ci, il en existait 4, un pour chaque dynamo, qui étaient équipés de 5 leviers manuels identiques à ceux que l'on pouvait voir habituellement sur un coffret de signalisation de chemin de fer de l'époque.
L'électricien en charge faisait face à la machinerie en manoeuvrant les commutateurs, et pouvait communiquer ses instructions au mécanicien se trouvant au-dessous, au moyen de signaux lumineux électriques qui signifiaient si un appareil particulier devait être mis en marche, arrêté, ou dont il fallait faire varier la vitesse. Les divers commutateurs devaient être enclenchés de façon à assurer un fonctionnement correct.4 ampèremètres, gradués chacun jusqu'à 5000 A, étaient installés, ainsi que 4 wattmètres qui enregistraient le nombre d'unités fournies par les diverses dynamos. Pour indiquer s'il convenait de coupler ou désaccoupler les équipements, 4 voltmètres rotatifs étaient installés sur un support entre les épontilles de dynamos, et indiquaient la tension électrique sur les barres omnibus d'éclairage et de courant ainsi que sur toutes les dynamos.
Équipement de commutation des dynamos 3 et 4
(Remarquer les leviers, à l'avant)
Le tableau d'alimentation
Depuis les commutateurs principaux de dynamos, le courant passait à travers des câbles isolés sous la galerie et jusqu'au tableau d'alimentation.
Ce dernier se composait de 25 tableaux noirs faits d'ardoise polie sur lesquels étaient montés les fusibles, des coupe-circuit automatiques et des ampèremètres destinés à contrôler chaque circuit.
Le tableau d'alimentation ainsi que ses appareils annexes avaient été construits par Messrs. Dorman & Smith, de Salford, Manchester, selon les spécifications des chantiers navals.
Le système de distribution du courant était du type à un seul fil avec retour par la coque.
Le tableau principal d'alimentation électrique
La ramification des circuits
Depuis le tableau d'alimentation, partaient pas moins de 48 câbles dont la jauge s'étendait jusqu'à 61/12 swg (standard wire gauge).
La distribution du courant était réalisée selon le système à fil unique, mais les retours étaient assurés et reliés de façon à éviter les courants perdus.Le courant et l'alimentation en chauffage pouvaient être délivrés de manière complètement indépendante de l'alimentation en éclairage, des barres omnibus pour le courant et l'éclairage pouvant être mises en parallèle ou d'une autre manière sur le tableau d'alimentation, selon l'exigence.
Les câbles montaient verticalement jusqu'à 2 conduits d'acier, l'un du côté tribord et l'autre du côté bâbord, et prenaient fin dans des boîtes mères à fusibles sur chaque pont d'où étaient branchés des câbles individuels. Ces derniers se ramifiaient sur tout le navire, le long des principales coursives des différents ponts, et alimentaient à leur tour les boîtes de distribution. A partir des boîtes de distribution, le courant était acheminé par fils jusqu'aux éclairages individuels, moteurs, radiateurs, etc ... Des interrupteurs locaux étaient, évidemment, installés de manière à éteindre les lumières individuelles ou des appareils.
Boîte de distribution électrique
Les câbles
Les câbles principaux et les fils de raccordement étaient en cuivre étamé gainé de caoutchouc et tressés, sauf dans les espaces de machinerie où ils étaient gainés, armés et tressés extérieurement.
Dans les salles de chaudières, les câbles étaient installés dans des tubes d'acier afin de les protéger de l'humidité et des blessures mécaniques. Tous les câbles traversant les cloisons étanches étaient rassemblés dans un tube d'acier rempli de bitume, de façon à garantir l'étanchéité et paraître ordonnés.
Une idée de l'étendue de l'installation électrique est donnée par l'existence des plus de 200 miles de câbles (320 km) installés sur le navire.
L'éclairage électrique
Le nombre total de lampes à incandescence installées sur le Titanic était d'environ 10 000, de 16 à 100 bougies (unité de mesure de l'époque) chacune. Des lampes au tantale avaient partout été choisies, excepté dans quelques cas dans la salle des machines, les lampes à filament ayant été jugées plus appropriées pour être utilisées à bord d'un navire sauf aux endroits où les vibrations étaient plus importantes. Leur utilisation permettait à la tension d'être réduite à 100 V. L'économie obtenue pour une tension ainsi réduite était bien plus importante que la différence entre le coût plus élevé des lampes à filament métallique et le coût du modèle à incandescence ordinaire.
Dans les cabines de 1ère Classe, outre les lumières fixes habituelles, étaient installées des prises de courant pour des lampes électriques portables ou des ventilateurs. Des veilleuses spéciales à 2 filaments étaient aussi installées de sorte qu'une lumière de seulement 1 bougie pouvait être allumée pendant toute la nuit, une particularité destinée aux passagers nerveux.
Des lampes de secours sur des circuits distincts, dont le courant provenait des dynamos de secours, étaient placées par intervalles dans toutes les coursives, les salles communes et les compartiments sur l'ensemble du navire, de sorte que, au cas improbable d'une extinction complète de l'éclairage ordinaire, un éclairage serait encore disponible à tous les endroits où les passagers et l'équipage pourraient se rassembler. En fait, chacun pouvait trouver son chemin d'un bout à l'autre du navire pendant la nuit grâce aux éclairages de ces circuits.
La plupart des équipement d'éclairage installés dans les cabines des passagers était en majolique (faïence italienne) qui ne ternit pas comme le métal. Les appareils électriques en clinquant étaient fournis par Messrs. N. Burt & Co. Ltd., de Londres.
La cabine de 1ère Classe A21
(On remarque: un bouton poussoir d'appel juste au-dessus de la banquette,
le ventilateur de plafond et la lampe de chevet branchée sur une rangée de prises électriques)
Dans les salles communes, les entrées principales et les cabines de luxe, ces appareils avaient un caractère somptueux, conçu pour s'accorder au style de chaque période particulière de décoration employée, de l'austère style Renaissance à l'élaboré style Louis XVI.
Les appareils du Grand Escalier de 1ère Classe avaient été réalisés selon des modèles français originaux.
Aucune peine ni dépense n'avait été épargnée dans leur choix, certains ayant coûté plusieurs centaines de livres sterling chacun.
Les sonneries électriques
L'installation des sonneries électriques ne comprenait pas moins de 1500 boutons poussoirs. Dans les cabines, les poussoirs de sonnerie étaient montés sur les mêmes panneaux que les interrupteurs électriques, un tel panneau étant lui-même situé à portée de chaque couchette.
Les radiateurs électriques
Les radiateurs, dont 520 étaient installés à travers le navire, étaient de type Prometheus. Ces radiateurs, dont le châssis était en bronze et qui comprenaient plusieurs rangées de barreaux de verre dispensant la chaleur, consommaient tous réunis un courant de plus de 5000 A.
Radiateur électrique
Les moteurs électriques
Les nombreux types de machines électriques déjà citées donne une idée du grand nombre de moteurs nécessaires.
Il existait, au total, 150 moteurs à bord, variant de 0,5 à 40 CV. Parmi eux, 76 étaient utilisés pour actionner les ventilateurs et consommaient un courant total de 5250 A.En ce qui concerne la quantité de puissance absorbée, juste après les moteurs de ventilation, venaient les machines mues par moteur et les mécanismes des salles des machines, les grues de chargement et les treuils, les ascenseurs et les monte-charge, ainsi que les appareils ménagers.
Les grues électriques de chargement
Pour garantir le minimum de bruit et de vibrations, l'énergie électrique avait été adoptée pour les grues de chargement et les treuils, à proximité des installations de passagers.
Les grues électriques de chargement avaient été fournies par Messrs. Stothert & Pitt Ltd., de Bath.6 grues avaient une capacité de 2,5 tonnes chacune et 2 grues, de 1,5 tonne chacune.
2 des grues de 2,5 t étaient situées à la 3ème écoutille avant.
Les 4 autres étaient situées aux écoutilles arrière N° 5 et N° 6.
Elles possédaient un moteur de levage de 40 CV et un moteur d'orientation de 5 CV.
Les 2 grues de 1,5 t étaient situées à l'extrémité arrière du pont promenade A, et desservaient les 2 petites écoutilles de la cale N° 4. Chaque grue était équipée d'un moteur de levage de 30 CV et d'un moteur d'orientation de 3 CV.
Grue électrique de chargement de 1,5 tonne
Les treuils électriques
4 treuils électriques de chargement de 3 tonnes et 4 treuils de levage de canots de 750 kg avaient été fournis par la Sunderland Forge & Engineering Co. Ltd. et avaient été conçus par les fabricants de façon à ce que les vibrations et le bruit soient pratiquement éliminés.
Comme les treuils étaient situés sur les ponts ouverts, les pièces actives et les moteurs étaient entièrement fermés et étanches
Les poupées pour manoeuvres d'amarrage étaient commandées par un engrenage à vis sans fin de construction très solide, le tout étant enfermé et fonctionnant dans un bain d'huile.
Treuil électrique de chargement de 3 tonnes
Les moteurs étaient à excitation série et équipés de tout le système de commande nécessaire.
Un frein magnétique ainsi qu'un frein à pied s'enclenchaient au moyen d'un dispositif de contrôle afin d'éviter l'usage abusif du moteur par des opérateurs non compétents.Les dispositifs de contrôle et les pièces résistantes étaient construits dans le but de supporter le traitement le plus sévère. Une attention particulière avait été donnée par les fabricants à l'isolation des pièces conductrices de courant, en raison de l'humidité et de l'atmosphère saline auxquelles les machines étaient exposées.
Il existait aussi des treuils électriques dans la salle des machines, en liaison avec le mécanisme d'ascenseur, qui avait été fourni par Messrs. Chambers, Scott & Co., de Motherwell.
Les ascenseurs et monte-charge
Il existait 4 ascenseurs pour passagers, fabriqués et installés par la Otis Elevator Company: 3 desservaient le hall d'entrée de 1ère Classe, à l'avant, et un autre, à l'arrière, était destiné aux passagers de 2ème Classe. D'une capacité de 10 personnes chacun, ils avaient été construits et installés par Messrs. R. Waygood & Co. Ltd., de Londres.
Le mécanisme de chacun des 4 ascenseurs pour passagers était piloté par un moteur quadripôle totalement fermé et de type à excitation shunt, d'environ 6 CV. Les cabines étaient guidées par des glissières d'acier de sorte que leur mouvement soit le plus doux possible.
Outre les ascenseurs pour passagers, se trouvaient un ascenseur électrique de service de 150 kg dans l'office des Officiers, sur le pont des embarcations, et un autre dans l'office du Restaurant, sur le pont B. Ces derniers étaient reliés au pont salon D.
Il existait aussi un monte-charge de 500 kg pour transporter les provisions, etc ... des magasins au pont salon D et un monte-charge de 400 kg à l'avant pour hisser les sacs de courrier.
Tous les monte-charge étaient actionnés électriquement au moyen de boutons poussoirs situés sur chaque pont.
Monte-charge de 500 kg
Des indicateurs de position et des tubes acoustiques étaient aussi installés.
Comme les ascenseurs, tous les monte-charge avaient été construits et installés à bord par Messrs. R. Waygood & Co. Ltd., de Londres.
Les bains électriques
L'électricité était la source d'énergie permettant de faire fonctionner les équipements de sudation des Bains Électriques, situés sur le pont milieu F.
Pour davantage de détails sur cette installation, consulter la page Les Bains Turcs et la Piscine.
Les horloges Magneta
Les horloges, qui étaient au nombre de 48 sur l'ensemble du navire, avaient été fournies par la Magneta Time Co. Ltd. et fonctionnaient électriquement selon le système Magneta, qui évitait l'utilisation de batteries galvaniques.
Elles étaient pilotées par 2 horloges mères situées dans la salle des cartes, de sorte qu'elles pouvaient fonctionner à l'unisson complet et indiquaient toutes exactement la même heure.
L'une des deux horloges mères
Comme cela est bien connu des passagers transocéaniques, les horloges du paquebot prenaient plus d'une demi heure d'avance tous les jours en allant vers l'ouest et prenaient un retard équivalent au retour vers l'Europe. Pour tenir compte de cet écart de temps, les horloges mères étaient remises à l'heure tous les jours à midi par l'Officier en charge qui les retardait ou les avançait selon la longitude.
Les signaux lumineux et les indicateurs
Une quantité de signaux lumineux électriques était répartie à travers les installations de 1ère et 2ème Classes afin de guider les passagers jusqu'aux entrées principales et aux salles communes.
Bien en vue dans le gymnase, se trouvaient d'attayantes vues lumineuses en couleurs représentant les sections de l'Olympic et du Titanic, ainsi qu'une carte du monde montrant le réseau des nombreuses lignes de la White Star Line qui encerclaient le globe.
Le gymnase avec le planisphère et les schémas lumineux
L'installation téléphonique
L'installation téléphonique du Titanic était divisée en 2 parties: le groupe de navigation et le système interne.
Cette installation est décrite dans la page L'installation téléphonique.
La télégraphie sans fil
L'ensemble du fonctionnement de l'installation de télégraphie est décrit dans la page La station radio du Titanic.