L'hôpital de bord du Titanic

 

L'une des installations les moins connues du Titanic, mais indispensable dans une "ville flottante" devant effectuer des traversées transatlantiques de près d'une semaine, est son hôpital de bord.

L'hôpital de bord du
Titanic était, en effet, doté d'installations médicales comparables aux équipements dernier cri des petits hôpitaux britanniques ou américains de l'époque.

 

 

Mission de l'hôpital de bord

La réglementation sur la santé édictée par le Board of Trade (Ministère Britannique du Commerce) stipulait que tout transatlantique transportant plus de 50 passagers en entrepont ou plus de 300 personnes (passagers et équipage) devait être doté d'un médecin qualifié, diplômé au Royaume-Uni ou dans le pays d'origine du navire, et disposer d'instruments chirurgicaux adéquats. Le Titanic obéissait donc à cette règle.

Lorsque les passagers de 1ère Classe embarquèrent et prirent place dans leurs cabines, il leur fut distribué un vade-mecum dans lequel leur étaient précisés tous les services dont ils disposaient pendant leur traversée. Il y était indiqué, en particulier, qu'un médecin expérimenté était affecté au navire:
"
Un médecin expérimenté est affecté au paquebot. Il est autorisé à appliquer les tarifs habituels, soumis à l'approbation du Commandant, pour traiter, à leur demande, les passagers pour toute maladie non contractée à bord. En cas de maladie développée à bord aucuns frais ne seront perçus, et les médicaments seront fournis gratuitement dans tous les cas".

Bien que l'on ignore quels traitement médicaux furent dispensés à bord du Titanic, on sait cependant que les 2 médecins étaient préparés à effectuer des accouchements mais que l'existence d'un service médical à bord était tenue discrète afin de ne pas alarmer les passagers, c'est à dire en ne leur suggérant pas qu'ils pouvaient être malades à bord ou avoir un accident.

 

Le personnel médical

L'équipe médicale était placée sous la responsabilité du Dr. William Francis Norman O'Loughlin, chirurgien senior de la White Star Line.
Après avoir étudié au Trinity College de Dublin, le Dr. O'Loughlin avait obtenu son diplôme au Collège Royal de Chirurgiens de Dublin. Ayant passé 40 années en mer, il venait d'être transféré de l'
Olympic sur le Titanic où il était chargé plus particulièrement des passagers de 1ère Classe.

Le Dr. Edward C. Titus, Directeur médical de la White Star Line et ami proche de O'Loughlin, dira de lui: "Il était sans aucun doute l'homme le plus admirable que j'ai jamais connu. Toujours prêt à répondre à un appel à l'aide à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, il allait en entrepont soigner une mère ou un enfant malade, et ils leur accordait autant d'égards qu'à l'homme le plus riche et le plus puissant à bord, honorant véritablement son serment de médecin".

Le Dr. O'Loughlin était aidé du Dr. John Edward Simpson, 37 ans, son assistant chirurgien. Diplômé, avec félicitations, en médecine et en zoologie, de l'Université Royale d'Irlande, il était Capitaine dans le Corps Médical de l'Armée Royale. Le Dr. Simpson était responsable des passagers de 2ème et 3ème Classes.

 

Le Dr. O'Loughlin et le Dr. Simpson

 

Les médecins étaient assistés d'une petite équipe médicale dont Mrs. Catherine Jane Wallis était la surveillante.
Elle était chargée des immigrants de 3
ème Classe, leur montrant comment effectuer un certain nombre de choses, telles que comment utiliser les toilettes, ce que la plupart n'avaient jamais vu. Elle savait parfaitement comment prendre soin des personnes et était toujours la première à remarquer tout ce qui nécessitait un traitement médical et en informait les médecins.

Le garçon de salle était le steward William Dunford, 41 ans. Il était l'homme qui prenait soin de tout. On dit que des personnes telles que lui étaient inestimables, faisant littéralement fonctionner l'hôpital et aidant considérablement les médecins.

Enfin, Miss Evelyn Marsden, qui possédait une qualification d'infirmière, était décrite comme l'hôtesse-infirmière des passagers de 1ère Classe.

 

Evelyn Marsden

 

Avant le départ

Avant le départ du Titanic, le Dr. O'Loughlin et le Dr. Simpson examinèrent le rôle d'équipage en compagnie du Capitaine Maurice Harvey Clarke, Officier d'immigration du Board of Trade, afin de s'assurer qu'un équipage en bonne santé se trouvait à bord. Ce fut une des nombreuses formalités devant être effectuées avant le départ du paquebot. Cette analyse fut, on le devine, des plus sommaires.

Peu avant l'embarquement, chaque passager de 3ème Classe fut soumis à un examen médical superficiel de la part d'une équipe de médecins conduite par le chirurgien de bord, le Dr. William Francis Norman O'Loughlin, chirurgien senior de la White Star Line et praticien désigné par l'officier d'émigration. Cet examen avait pour but s'assurer que cette catégorie de passagers était apparemment en bonne santé afin d'éviter d'envoyer ainsi des malades en Amérique, où ils ne seraient pas acceptés.
L'inspection portait essentiellement sur la chevelure, afin de vérifier qu'elle ne contenait pas de poux, sur l'absence de symptômes de maladies infectieuses telles que la tuberculose et le trachome (maladie pouvant entraîner la cécité).
Aucun passager présentant de tels signes ne fut autorisé à embarquer. Ironie du sort, 3 enfants, atteints de trachome, durent rentrer en Syrie et échappèrent ainsi au naufrage.

Chaque passager de 3ème Classe, ayant satisfait au contrôle, se vit remettre une carte d'inspection sanitaire nominative (certificat de santé) qui fut jointe à son ticket.

 

L'emplacement de l'hôpital

L'hôpital de bord du Titanic était, en réalité, constitué d'un ensemble de petites unités réparties en plusieurs points du navire, en fonction de la population à laquelle chacune était affectée.

Les passagers pouvaient être traités médicalement en fonction de leur classe de navigation et, s'ils ne bénéficiaient donc pas tous du même niveau de service, tous pouvaient cependant être soignés. En revanche, les mêmes médicaments étaient disponibles pour tous les passagers.

En raison des lois américaines sur l'immigration, les passagers de 3ème Classe ne devaient pas se trouver en contact avec les passagers des autres classes. Ces passagers d'entrepont, généralement des émigrants, étaient de conditions les plus modestes et présentaient davantage de risques d'être affectés par les maladies. Leur isolement des passagers de 1ère et de 2ème Classes se retrouvait dans la répartition des installations hospitalières:

Selon la réglementation du Board of Trade, en vigueur lors de la construction du Titanic, les passagers d'entrepont et l'équipage devaient aussi avoir des hôpitaux séparés, d'une superficie non inférieure à 1,67 m2 pour chaque cinquantaine de passagers d'entrepont.

Les unités hospitalières devaient être, si possible, assez éloignées des quartiers d'habitation, bien ventilées et bien éclairées. Elles devaient être équipées de lits, de matériel de couchage et d'instruments, et être entretenues pendant toute la traversée. Les officiers d'immigration étaient chargés, à terre, de s'assurer de ce bon entretien.

 


Installation hospitalière pour les passagers de 3ème Classe,
à bord de l'
Aquitania de la Cunard Line.
L'installation du
Titanic était semblable.

 

Pour l'ensemble des installations, il n'existait cependant pas de salle d'opération proprement dite, mais les médecins étaient équipés pour faire face à toutes les urgences.

L'unité hospitalière de 1ère et 2ème Classes se trouvait sur le pont D, à tribord, à l'arrière de la coquerie
Elle possédait une salle de soins où le chirurgien pouvait intervenir sur les patients des 2 classes.
L'installation disposait de 12 lits et , au cas où cette capacité était insuffisante, une cabine disponible pouvait être requise.
Il existait aussi une section d'infection de 6 lits répartis dans 2 salles. Elle pouvait probablement être utilisée pour les malades de 3ème Classe, mais on ignore si ce fut réellement le cas.

Malgré cela, les passagers de 1ère Classe furent très vraisemblablement soignés par les médecins dans leurs propres cabines, avec l'aide des stewards et des hôtesses. Lorsque le recours à la salle de soins n'était pas nécessaire, il était en effet aussi facile de soigner les personnes dans leurs propres cabines plutôt qu'à l'hôpital.

 


Unité
hospitalière de 1ère et 2ème Classes, pont D

 

Pour les passagers de 3ème Classe, l'unité hospitalière se résumait à une salle de soins située à l'arrière du pont D, entre l'entrée de 3ème Classe et l'écoutille n° 6.

 


Unité
hospitalière de 3ème Classe, pont D

 

Sur le pont C, se trouvait une autre salle de soins (le long du flanc tribord) ainsi que le quartier du chirurgien et de son assistant. L'usage qui pouvait en être fait n'est pas clairement déterminé.
Les deux médecins disposaient de très petits logements: une petite cabine chacun avec salle de bains commune, près de la salle de soins.

 


Quartier des médecins et salle de soins, pont C

 

L'unité hospitalière destinée aux membres d'équipage était située sur le pont C, à la proue, sous la partie arrière du gaillard d'avant, et à proximité des quartiers de l'équipage. Elle disposait d'une salle de soins et de 4 lits. C'est là que les marins, souffrant principalement de hernies et d'infections diverses, étaient soignés.

 


Unité
hospitalière des membres d'équipage, pont C

 

L'équipement médical

Les Merchant Shipping Acts de 1894 et 1906 du Board of Trade imposaient aux armateurs de tout navire transportant des immigrants de fournir les produits mentionnés sur une liste de médicaments et de fournitures médicales, tels que médicaments de confort, désinfectants et instruments.

 


Répertoire d'instruments chirurgicaux
destinés à équiper le
Titanic

 

Il existait à bord plusieurs manuels de médecine destinés aux chirurgiens ainsi que des livres de soins médicaux à usage du Commandant au cas où le médecin ne serait pas disponible.

Les médicaments étaient conservés sur des étagères ou dans des pharmacies portatives qui contenaient un vaste assortiment de récipients en porcelaine et de fioles en verre. Ces pharmacies incluaient un manuel d'instructions pour le traitement des maladies et des accidents. Elles contenaient aussi 2 boîtes de matériel hypodermique (seringues en verre ou nickelées pour les injections de cocaïne, atropine ou morphine), des bandages, des attelles de bois et du plâtre de Paris pour les membres fracturés.

Les fioles (ou bouteilles) de produits toxiques devaient porter une étiquette rouge avec le nom du produit écrit en latin et en anglais ainsi que la posologie. Plusieurs fioles pharmaceutiques furent retrouvées sur le site de l'épave du Titanic.

Parmi les médicaments dont disposait l'hôpital de bord, se trouvaient:

Il n'existait pas de dentiste parmi le personnel de bord du Titanic mais les chirurgiens possédaient, parmi leurs instruments, une série de pinces dentaires enroulées dans une toile, et étaient capables de pratiquer une extraction si nécessaire.

La plupart des instruments médicaux et dentaires étaient en acier trempé, y compris les manches. Quelques uns étaient nickelés ou argentés et conservés dans des boîtes métalliques.
Aucun d'eux n'a été retrouvé parmi les débris de l'épave du
Titanic.

Parmi les autres instruments médicaux dont disposait l'hôpital de bord, se trouvaient:

 


Trousse de chirurgien

 

Plusieurs objets à usage médical furent retrouvés sur le site de l'épave du Titanic. Parmi ceux-ci:

 


Poire médicinale en caoutchouc

 


Compte-gouttes en caoutchouc

 

Qui reçut des soins ?

On ne connaît qu'un seul incident médical qui se soit produit à bord du Titanic et aucun récit ne fait état d'un problème dentaire.

Selon certains témoignages, le matin du 14 Avril 1912, Mrs. Irene (Renee) Harris, 35 ans, passagère de 1ère Classe, épouse du producteur de théâtre américain Henry Birkhardt Harris, trébucha et tomba dans l'un des escaliers, se cassant un os du bras droit que l'assistant chirurgien, le Dr. John Edward Simpson, couvrit d'un plâtre.

Selon d'autres récits, Mrs. Harris serait tombée dans le Grand Escalier de 1ère Classe et se serait cassé un coude. Elle aurait été soignée par le Dr. Henry William Frauenthal, de New York, passager de 1ère Classe et chirurgien orthopédiste, et non par le chirurgien de bord ou son assistant. Mrs. Harris aurait découvert que le Dr. Frauenthal se trouvait à bord et aurait fait appel à ses services.

 

Mrs. Harris et le Dr. Frauenthal

 

Mais Irene (Renee) Harris raconta, des années plus tard, que, la nuit du naufrage, elle était assise avec son mari Henry dans leur cabine (C-83). Plus tôt dans la journée, elle avait glissé sur un biscuit à thé en venant du Salon de Lecture, sur le pont A, et descendant les escaliers pour se rendre à sa cabine, et s'était cassé le bras. Elle aurait déclaré: "Quelle journée ! Rien de pire ne peut m'arriver !". La douleur avait été si intense qu'elle avait été incapable de s'endormir. Tandis qu'elle était assise, avec le bras plâtré en écharpe et vêtue de 2 peignoirs de bain pour éviter le froid qui avait alors envahi le navire, elle avait remarqué que ses vêtements, posés sur les cintres de la garde-robe, se balançaient. Elle n'y avait pas prêté davantage attention jusqu'à l'arrêt des machines. C'est alors qu'elle avait été saisie par la peur d'un calme épouvantable.

 

Épilogue

Lors du naufrage du Titanic, qu'advint-il des personnes précédemment citées ?

Victimes:   - Le Dr. William Francis Norman O'Loughlin.
- Le Dr. John Edward Simpson.
- La surveillante, Mrs. Catherine Jane Wallis.
 Les corps des 3 personnes, s'ils furent retrouvés, ne furent jamais identifiés.
- Le steward William Dunford dont le corps fut retrouvé par le navire câblier
Mackay-Bennett puis rejeté à la mer.

Au moment du naufrage, lorsque le niveau de la mer atteignit le pont C, les 2 médecins O'Loughlin et Simpson ainsi que le steward Dunford se trouvaient en compagnie du Commissaire de bord Herbert McElroy et de son assistant Reginald Barker. Ils furent rejoints un bref instant par le 2ème Officier Charles Lightoller, puis se serrèrent la main et se dirent au revoir.

     
Rescapés:   - L'hôtesse-infirmière, Miss Evelyn Marsden, à bord du canot n° 16,
- Mrs. Irene (Renee) Harris à bord du radeau pliable D, et le Dr. Henry William Frauenthal à bord du canot n° 5.

 

La vie à bord

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