Les canots de sauvetage du Titanic
Lors du naufrage du Titanic, les embarcations de sauvetage jouèrent un rôle déterminant dans le déroulement de l'évacuation des personnes présentes à bord et dans le bilan de la catastrophe.
Cette page s'efforce de retracer quelle fut l'histoire de ces embarcations: leur nombre, leur installation, leur constitution, leur équipement, leur utilisation, leur contribution au sauvetage des passagers, et ce qu'elles devinrent ...
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Les canots et la
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Les canots et la réglementation
Le principal concepteur des équipements de sauvetage du Titanic fut Alexander Montgomery Carlisle, Directeur Général des Chantiers Harland & Wolff et beau-frère de Lord William James Pirrie, Président des Chantiers.
Alexander Montgomery Carlisle, surnommé "Big Alec", était, jusqu'à sa retraite des Chantiers Harland & Wolff en 1910, l'architecte responsable des emménagements, de la décoration et du dispositif de sauvetage du Titanic. Après son départ, Thomas Andrews lui succéda.
En 1894, époque où le plus gros navire jaugeait à peine 13000 tonnes, le Ministère Britannique du Commerce ( le Board of Trade ) avait édicté une réglementation prévoyant la présence d'embarcations de sauvetage dont la capacité était calculée en volume, ce volume dépendant du tonnage des navires et non du nombre de personnes transportées.
En 1912, ce règlement, qui n'avait pas été réactualisé en fonction du progrès technologique qui s'était traduit par une forte augmentation de la taille des navires, était devenu désuet puisque le tonnage des plus gros paquebots dépassait désormais 46000 tonnes, ce qui était le cas du Titanic.
Il avait même été reconduit en Novembre 1911, 5 mois après le voyage inaugural de l'Olympic.La réglementation stipulait que les navires britanniques d'un tonnage supérieur à 10000 tonnes devaient être équipés de 16 canots de sauvetage d'une capacité totale de 5500 ft3 ( 155,7 m3 ) et de suffisamment de radeaux pour augmenter de 75% la capacité des canots. La capacité totale exigée pour les embarcations était donc de 9625 ft3 ( 272,5 m3 ). Comme on estimait qu'une personne occupait un volume de 10 ft3 ( 0,283 m3 ), on en déduisait l'équivalent en personnes de la capacité, soit 962 personnes.
Selon le contrat passé entre la White Star Line et les Chantiers Harland & Wolff, ceux-ci avaient la liberté d'effectuer toute amélioration par rapport au cahier des charges pourvu que le coût initialement prévu ne soit pas dépassé.
Convaincu et inquiet par l'insuffisance du nombre de canots exigé pour un navire de la taille du Titanic, Alexander Carlisle insista alors pour que le paquebot soit équipé de bossoirs capables de supporter chacun 4 canots, mesure qu'il présenta comme une économie pour le cas où la réglementation viendrait à augmenter le nombre minimum de canots et non comme une mesure visant à accroître la sécurité.
Il demanda donc à la compagnie suédoise Welin Davit and Engineering, fabricant de bossoirs, de concevoir pour lui un nouveau modèle de bossoir pouvant supporter 4 canots afin d'avoir une installation capable de supporter un total de 64 canots, bien qu'il pensait que 48 seraient suffisants.Depuis le début du projet, le Directeur Général de la White Star Line, Joseph Bruce Ismay, était opposé à l'installation de canots en surnombre et ne voulait pas plus d'un canot par bossoir.
Des canots superposés auraient nui à l'esthétique du navire en altérant la pureté de son profil. En outre, la vue sur la mer depuis le salon et la promenade de 1ère Classe aurait été compromise. De plus, l'accroissement de la sécurité n'était pas sa préoccupation ( d'autant que le Titanic était réputé "pratiquement insubmersible" ) et une installation plus réduite mais conforme à la réglementation constituerait avant tout une économie.Les Chantiers furent donc priés de s'en tenir au minimum réglementaire ou presque, soit 16 bossoirs, 16 canots et 4 radeaux supplémentaires, sensiblement au-delà des exigences.
Par la suite, on fera grand cas des infructueux efforts d'Alexander Carlisle à faire accepter son point de vue. Ainsi fut mis en évidence le dilemme: économie et sécurité.
Au total, ces 20 canots et radeaux de sauvetage pouvaient contenir 1178 personnes, ce qui mettait le Titanic en conformité avec une marge de 216 places. Le Board of Trade donna évidemment son agrément.
Les 16 canots installés avaient, à eux seuls, une capacité totale de 990 personnes, soit 28 de plus que l'exigence du Board of Trade. Alors, pourquoi la White Star Line, dont le souci n'était pas la sécurité, avait-elle demandé l'installation de 4 radeaux supplémentaires ? Il est peu probable que cet ajout ait résulté d'un compromis entre Bruce Ismay et Alexander Carlisle, mais plutôt du fait que la compagnie entendait mettre en avant son aptitude à faire mieux que les exigences ( tout en étant convaincue de l'inutilité des canots ).
Le 10 Avril au matin, à quelques heures du départ de Southampton, le Capitaine Maurice Clarke, du Board of Trade, termina son inspection du navire après avoir attaché une grande attention au bon état de fonctionnement des canots de sauvetage.
Le tableau suivant montre la comparaison entre les exigences du Board of Trade et ce qui était réellement installé à bord du Titanic.
CAPACITÉ Règlement du
Board of TradeTITANIC Écart Volume
des canots5500 ft3 ( 155,7 m3 ) 9822 ft3 ( 278,1 m3 ) + 79% (*) Volume
des radeaux4125 ft3 ( 116,8 m3 ) 1506 ft3 ( 42,6 m3 ) - 63% (*) VOLUME
TOTAL9625 ft3 ( 272,5 m3 ) 11328 ft3 ( 320,8 m3 ) + 18% Équivalent
personnes962 1178 + 22% (*) La capacité des canots installés était supérieure à celle exigée,
ce qui réduisait celle des radeaux.
Lorsque le Titanic quitta Queenstown pour effectuer sa traversée de l'Atlantique, 2201 passagers et membres d'équipage se trouvaient à bord et seulement 53% des personnes pouvaient prendre place à bord des canots existants.
Si le Titanic avait navigué à pleine capacité, soit avec 3547 passagers et membres d'équipage, ce sont seulement 33% des personnes qui auraient pu prendre place à bord des canots existants.
Autrement dit, pour que toutes les personnes se trouvant à bord du Titanic lors de son unique voyage puissent prendre place à bord de canots, il aurait fallu 16 canots standards supplémentaires; et pour satisfaire la capacité maximum de 3547 personnes, ce supplément aurait dû être porté à 37 canots standards ( les 16 canots et les 4 radeaux existants, plus 37 autres canots ).
Si, selon le souhait d'Alexander Carlisle, le Titanic avait été équipé de 64 canots, il aurait fallu doubler, sur chaque bord, la rangée de 8 canots existante par une seconde rangée identique placée sur le pont, vers l'intérieur, et doubler le tout par une installation sur un deuxième niveau de hauteur.
A l'évidence, bien que le sécurité de des personnes aurait été garantie, l'esthétique du navire, si chère à Bruce Ismay, en aurait pâti.
Ce dilemme prend naissance dans les attitudes d'Alexander Carlisle et de Bruce Ismay à l'égard du nombre de canots de sauvetage qui furent installés.
Les premiers avis sur ce sujet apparurent 3 jours seulement après le naufrage, le 18 Avril 1912, lorsque le quotidien Daily Mail publia une interview d'Alexander Carlisle. Alors qu'on lui demandait s'il estimait que l'exigence du Ministère Britannique du Commerce ( le Board of Trade ) était suffisante en matière de canots de sauvetage, Carlisle répondit: "Non, je ne crois pas que ce soit suffisant pour les gros navires, et je ne l'ai jamais cru. Alors que la taille des navires n'a cessé de croître, j'ai toujours été favorable à l'augmentation du nombre de canots". Il poursuivit en expliquant que, "fidèle à son opinion, il avait équipé l'Olympic et le Titanic de bossoirs capables de supporter plus de 40 canots", mais il ne déclara pas pour quelle raison autant de canots eux-mêmes ne furent pas installés.
Plus tard dans l'interview, il se fit plus précis dans une singulière remarque: "Si tous les navires avaient été équipés du nombre total de canots que j'ai proposé, il ne fait aucun doute que cela aurait créé une situation injuste à l'égard des paquebots de toutes les lignes naviguant dans l'Atlantique Nord. Cela aurait attiré l'attention". En d'autres termes, suffisamment de canots sur un ou deux paquebots auraient créé une inquiétude sur le manque de canots à bord de tous les autres navires. L'approbation générale du fait qu'une personnalité de la construction maritime avait pris en considération les canots, fit que l'on négligea cette politique de l'autruche.
71 ans plus tard, Carlisle redevint le héros qui avait combattu en vain pour davantage de canots. En 1983, un documentaire de la télévision britannique, "Le Titanic, une question de meurtre", décrivit comment Carlisle "mena une interminable campagne pour multiplier par 2 ou même 3 le nombre de canots transportés par le grand paquebot". Selon le scénario, il "soutint" et "recommanda" en vain, opposé à l'intransigeance de Bruce Ismay, Directeur Général de la White Star Line.
Les grands shows télévisés sont faits de tels conflits dramatiques, mais en réalité cet affrontement ne se produisit jamais. Carlisle pensait, en effet, que le Titanic aurait dû être équipé de davantage de canots, mais il ne l'a jamais dit à Bruce Ismay. Il proposa simplement des bossoirs spéciaux capables de recevoir un nombre supplémentaire de canots, faisant remarquer que cela constituerait une économie au cas où le Ministère Britannique du Commerce renforcerait sa réglementation. Son souci était l'économie et non la sécurité.
Lorsque la Commission Britannique d'Enquête lui demanda pour quelle raison il n'avait pas recommandé davantage de canots comme il l'avait fait pour les bossoirs, Carlisle répondit qu'il y avait des limites à ce qu'il pouvait convenablement proposer à la White Star. Quand on lui demanda pourquoi un contrat à coûts majorés conclu entre les Chantiers Harland & Wolff et la White Star ne permettait pas aux Chantiers d'agir à leur initiative, Carlisle expliqua patiemment qu'il y avait là aussi des limites. En vérité, la White Star se vantait du fait que l'accord donnait aux constructeurs la liberté de fabriquer le navire le mieux équipé sans regarder à la dépense; cependant les choses n'étaient pas aussi simples. Quels que soient les termes du contrat, il existait un accord tacite selon lequel Harland & Wolff ne devaient pas aller trop loin. S'ils avaient équipé l'Olympic et le Titanic avec un plus grand nombre de canots, cela aurait mis la White Star dans une situation embarrassante vis à vis du reste de sa flotte. Elle aurait alors dû ajouter des canots sur ses autres navires, ce qui aurait été une très importante dépense.
Se sentant incapable soit de recommander soit d'agir de son propre chef, Carlisle montra simplement à Bruce Ismay les plans du navire, laissant à Ismay le soin de découvrir que le pont des embarcations pouvait accueillir 48 canots, si la White Star pensait que cela était souhaitable.
Comme on pouvait s'y attendre, Ismay n'approuva jamais cette idée. En fait, il prétendit plus tard qu'il n'avait jamais vu les plans d'installation des canots.
Lorsque le Titanic prit la mer, Carlisle avait pris sa retraite et ignorait combien de canots avaient été réellement prescrits par la White Star. Le Commandant Smith le savait. A minuit, dans la nuit du 14 au 15 Avril 1912, il savait parfaitement que son navire ne possédait que 16 canots de bois dans leurs bossoirs, le même nombre que celui prévu à l'origine avant qu'Alexander Carlisle ne joue son rôle hésitant, ainsi que 4 radeaux pliables Engelhardt.
La conception et la fabrication des canots
Les 4 radeaux pliables furent achetés par les Chantiers Harland & Wolff à la Engelhardt Collapsible Lifeboats Company, spécialiste de la fabrication de radeaux pliables insubmersibles.
Quant aux 16 autres canots de bois, Alexander Carlisle en avait confié la conception au Chef Dessinateur des Chantiers Harland & Wolff, Roderick Chisholm.
Les Chantiers, constructeurs du Titanic, fabriquèrent eux-mêmes ces canots de sauvetage.Pendant la traversée inaugurale, Roderick Chisholm se trouvait à bord du paquebot au sein d'une équipe de 9 hommes ( appelée le "Groupe de Garantie" ) appartenant aux Chantiers Harland & Wolff et dirigée par Thomas Andrews, l'architecte naval qui succédait à Alexander Carlisle.
Andrews, Chisholm et les 7 autres hommes avaient pour mission d'aider l'équipage du Titanic à se familiariser avec le navire, de répondre à ses questions, d'effectuer de petits travaux de réparation et de résoudre tous les inévitables problèmes de "jeunesse". Ils périrent tous pendant le naufrage.
Canots de sauvetage dans leur atelier de fabrication
En Janvier 1912, les 20 canots et radeaux devant équiper le Titanic furent installés sur le pont des embarcations ainsi que sur le toit du quartier des Officiers.
Plan du pont des embarcations et implantation des canots
Les 20 embarcations se répartissaient en:
- 14 canots standards en bois, ayant chacun une capacité de 18,55 m3 pour 65 personnes.
Ces canots, suspendus à 14 bossoirs, étaient situés sur le pont des embarcations où ils reposaient sur des berceaux de bois.
- 2 canots "de secours" en bois, ayant chacun une capacité de 9,25 et 9,12 m3 pour 40 personnes.
Ces canots, suspendus à 2 bossoirs, se trouvaient en surplomb et prêts à être utilisés à tout moment.
- 4 radeaux pliables de type Engelhardt, ayant chacun une capacité de 10,66 m3 pour 47 personnes.
Tous reposaient à plat et retournés, 2 sur le pont des embarcations à côté des canots de secours; les 2 autres, sur le toit du quartier des Officiers, juste derrière la timonerie. Pour ces deux derniers, il n'existait aucun moyen pratique pour les faire descendre sur le pont des embarcations.La capacité totale des canots était ainsi de 320 m3 ( le double de l'exigence en volume ) pour 1178 personnes.
Janvier 1912: Installation des canots
Les 14 canots standards, suspendus aux bossoirs quandrantaux Welin, étaient identifiés par des numéros de 3 à 16.
Ils étaient également arrimés sur des cales de bois pivotantes, de chaque côté du pont des embarcations, par groupe de 3 à l'avant et de 4 à l'arrière.
Promenade des passagers sur le pont des embarcations, respectivement côtés bâbord et tribord.
On remarque les canots standards et, malgré leur faible nombre, la vue qu'ils gênent sur l'océan.
Les canots standards furent construits en bois par les Chantiers Harland & Wolff, avaient chacun une longueur de 9,15 m, une largeur de 2,77 m, une profondeur de 1,22 m et une capacité de 18,55 m3 pour 65 personnes.
Les quilles des canots étaient en orme. Les couples à l'étrave et à l'étambot étaient en chêne. Les canots étaient bordés à clins ( chevauchement des lisses de bordé ), en pin jaune avec une double fixation par des clous de cuivre. Les membrures étaient en orme, espacées d'environ 20 cm, et les bancs en pitchpin, fixés au moyen de doubles rotules de fer galvanisé.
Les canots étaient équipés du système de dégagement Murray capable de libérer simultanément leurs 2 extrémités si nécessaire. Le système était fixé à distance adéquate des extrémités avant et arrière des canots, afin de s'adapter aux bossoirs.
Des cordes de sécurité en guirlande étaient installées tout le long des plats-bords des canots.
Des bouts de longueur suffisante permettaient de descendre les canots lors des exercices de mise à l'eau et, lorsque les canots étaient descendus, de les hisser en utilisant les treuils situés sur le pont des embarcations.
Les 2 canots "de secours", suspendus aux bossoirs quandrantaux Welin et situés en surplomb, étaient identifiés par les numéros 1 et 2.
Ils étaient construits en bois par les Chantiers Harland & Wolff, avaient pour l'un ayant une longueur de 7,67 m, une largeur de 2,18 m, une profondeur 0,91 m et une capacité de 9,25 m3 pour 40 personnes, et pour l'autre, une longueur de 7,06 m, une largeur de 2,16 m, une profondeur 0,91 m et une capacité de 9,12 m3 pour 40 personnes.
Le canot de secours N° 1, en surplomb,
près de l'aileron de manoeuvre
tribord de la passerelle de navigation
Sur bâbord, le canot de secours N° 2 en surplomb et,
plus en avant, le canot standard N° 8.
On remarque, à l'extrémité du hall d'entrée de 1ère Classe,
le treuil utilisé pour hisser les canots après les exercices de mise à l'eau.
La structure et l'aménagement des canots de secours étaient de même type que celles des 14 canots standards.
De chaque côté du pont des embarcations, les canots "de secours" étaient installés devant le groupe de 3 canots standards et étaient prévus pour s'arrimer hors du bord en tant que canots de secours. Ils se trouvaient juste à l'arrière de la timonerie.
Les 4 radeaux pliables Engelhardt
Les 4 radeaux pliables, fabriqués par la Engelhardt Collapsible Lifeboats Company étaient identifiés par les lettres A à D.
Ce type de radeau faisait l'objet du brevet danois N° 4183 déposé en 1901 par le Capitaine danois Valdemar Engelhardt, leur concepteur.
Les premiers prototypes avaient été présentés lors l'Exposition Universelle de Paris en 1900, où ils avaient obtenu la mention "Honorable".
Il présentait l'avantage de pouvoir accueillir plus de personnes qu'un canot conventionnel tout en ayant le même encombrement au sol, de pouvoir être déplié et monté rapidement sur le pont comme sur l'eau sans l'utilisation de bossoirs, et d'être insubmersible en raison de sa structure flottante.Chaque radeau avait une longueur de 8,36 m, une largeur de 2,44 m, une profondeur de 0,91 m et une capacité de 10,66 m3 pour 47 personnes.
Ces radeaux avaient un double fond plat fait de lattes de bois et des flancs de toile qui pouvaient être remontés pour former l'embarcation, ou abaissés afin de permettre un arrimage compact.
Principe du radeau pliable Engelhardt - A gauche: radeau démonté - A droite: radeau monté
Les 2 radeaux pliables C et D étaient arrimés à plat et retournés sur le pont à côté des canots de secours N° 1 et N° 2 et sous leurs bossoirs, les 2 autres, A et B, sur le toit du quartier des Officiers, juste à l'arrière de timonerie.
Aucun dispositif de levage et de mise à l'eau n'était prévu pour les radeaux.
Les rescapés approchent du Carpathia à bord du radeau pliable D
L'équipement intérieur des canots
L'équipement intérieur des canots était en conformité avec les exigences du Ministère Britannique du Commerce ( le Board of Trade ).
Des voiles, un mât, des rames et une ancre marine étaient fournis pour chacun des canots ( à l'exception des radeaux pliables ), les voiles étant rangées dans des sacs.
Des bâches permettaient de recouvrir tous les canots.
Chacun des 14 canots standards était équipé d'un compas à alcool et de son nécessaire de fixation; ces compas étaient rangés dans un coffret fermé à clé sur le pont des embarcations.
Un réservoir à provisions, en cuivre, et des gobelets équipaient tous les canots.Les radeaux pliables ne contenaient pas de provisions, au contraire de tous les autres qui possédaient eau, biscuits, fanaux et autres denrées indispensables.
Les 16 canots de bois étaient identifiés sur chaque bord par différentes plaques signalétiques.
Chaque canot possédait ainsi:
- 2 plaques de bois peintes, portant le nom du navire "S.S. TITANIC".
Remarque: Les plaques étaient effectivement marquées des lettres "SS" ( Steamship ) et non "RMS" ( le navire était appelé Royal Mail Steamer ). Le Titanic étant propulsé grâce à la vapeur, la mention "SS" était justifiée et n'était pas une erreur.
- 2 plaques de laiton peintes, portant le nom du port d'attache du navire "LIVERPOOL".
- 4 plaques de laiton peintes, portant le numéro du canot ( de 1 à 16 ).
- 4 plaques de laiton peintes, portant l'enseigne de la White Star Line.
- 1 plaque signalétique de laiton, ronde, peinte, portant les caractéristiques du canot ( longueur, largeur, profondeur et capacité ).
Les radeaux pliables ne possédaient pas d'identification spécifique.
Plaque de laiton peinte
avec enseigne de la White Star LineEtrave du canot N° 6 reconstitué
pour le film de James Cameron
(Les dimensions et la capacité indiquées
ne sont pas conformes à la vérité)Plaque de bois peinte
avec nom du paqueebot
Lors du sauvetage, la Comtesse de Rothes se trouvait à bord du canot N° 8, lequel était placé sous la responsabilité du marin Thomas Jones, où elle eut une conduite héroïque ( la Comtesse prit son tour aux avirons puis tint la barre ).
Après que le canot ait été récupéré par le Carpathia, Thomas Jones démonta une des plaques portant le numéro 8 du canot. Il fit ensuite remonter cette plaque sur un médaillon qu'il offrit à la Comtesse, en signe de reconnaissance.
Le médaillon offert par Thomas Jones
à la Comtesse de Rothes
Les bossoirs sont les mécanismes conçus pour supporter et affaler les canots à partir du pont d'un navire.
Les bossoirs du Titanic étaient fabriqués par la Welin Davit and Engineering Co. Ltd. de Londres.
La Welin and Engineering Company avait été fondée en 1901 par l'inventeur suédois Axel Welin.
En 1912, elle avait fourni plus de 4000 bossoirs installés sur différents types de navires.
Publicité et détail de bossoir quadrantal de la Welin Davit and Engineering Co. Ltd.
Les 16 bossoirs du navire étaient de type quadrantal ( permettant une rotation de 90° ) à double action. Ils étaient capables de supporter chacun 4 canots, bien qu'ils n'étaient équipés que d'un seul canot chacun.
Une armature pivotante permettait aux canots de basculer en surplomb par-dessus la rambarde, de les maintenir en place pour l'embarquement jusqu'à ce qu'un système de verrouillage et de poulies les libère.
Les canots étaient suspendus aux bossoirs par des palans constitués de cordages et poulies. Les palans étaient à démultiplication triple pour les canots standards, et double pour les canots de secours. Les poulies étaient en orme avec des roues en bois de gaïac et étaient attachées par des pièces de fer montées sur pivot.
Alignement des bossoirs sur le pont des embarcations
Lors de la mise à l'eau d'un canot à pleine charge, les bossoirs pouvaient ployer de presque 30 cm.
Lorsque les cordages commençaient à filer dans les poulies, les canots étaient secoués et descendaient par à-coups en tanguant, jusqu'à atteindre la mer 20 m plus bas. C'est dire la terreur qui pouvait envahir les passagers.
Bossoir remonté en 1993 du champ
des débris de l'épave.
Son poids est de 4 tonnes.
Le matin du 10 Avril 1912, jour du départ de Southampton, eut lieu un essai des canots de sauvetage, sous le regard infaillible du Capitaine Maurice Harvey Clarke, Inspecteur d'immigration du Board of Trade et de Benjamin Steel, Superintendant de la Marine à Southampton pour la White Star Line.
Un groupe de matelots fut conduit du côté tribord du pont des embarcations, exposé au vent. Là, les 2 canots N° 11 et 15 furent descendus à la mer au moyen de leurs bossoirs. Le 5ème Officier Harold Lowe et le 6ème Officier James Moody affectèrent un maître d'équipage et 7 marins dans chaque canot et en prirent le commandement. Les 2 Officiers furent alors conduits autour du port pendant environ 20 mn puis les canots furent remontés à bord. Normalement les inspecteurs auraient dû demander que les marins hissent les voiles mais, comme Steel l'expliqua plus tard, le vent soufflait tellement en rafales qu'ils décidèrent de vérifier seulement les avirons et l'aptitude des hommes à ramer.
Les autres équipements de sauvetage
En plus des canots, le Titanic possédait 3560 gilets de sauvetage et 48 bouées.
Les gilets de sauvetage, du dernier modèle de l'époque, étaient répartis dans les cabines du navire, les bouées étant groupées en divers endroits.
Les bouées étaient blanches et sans aucune inscription.
Tous ces équipements étaient approuvés par le Ministère Britannique du Commerce.
Gilet (retrouvé après le naufrage) et bouée de sauvetage
Les gilets étaient faits de flotteurs de liège recouverts de toile épaisse, assuraient le maintien à la surface d'une personne entièrement habillée mais étaient très encombrants et n'offraient aucune protection contre le froid extrême de l'eau.
Un par un, dans la nuit du 14 au 15 Avril 1912, les canots de sauvetage furent mis à la mer, le N° 7 en premier à 0 h 45, le radeau pliable D en dernier à 2 h 05; les 2 radeaux pliables restants A et B dérivèrent tandis que le Titanic coulait et ne furent utilisés qu'ensuite.
Supervisant l'affalement des canots, on trouvait le Capitaine Edward John Smith et son Second Henry Tingle Wilde. Il semble que ces 2 hommes aient été présents sur le pont pendant la nuit, Wilde lui-même se chargeant de la mise à l'eau de 2 canots.
La tâche d'affalement des canots du côté tribord fut assurée par le 1er Officier William McMaster Murdoch. Charles Herbert Lightoller, le 2ème Officier, se chargea des canots du côté bâbord. Lightoller et Murdoch furent d'abord aidés par le 5ème Officier Harold Godfrey Lowe et du 6ème Officier James Paul Moody. Lowe commença à travailler avec Murdoch du côté tribord, mais termina avec Lightoller du côté bâbord; en outre, Moody commença la nuit avec Lightoller mais se déplaça pour finalement aider Murdoch. Assistèrent aussi au chargement et à la mise à l'eau des canots nombre de passagers, marins, stewards et chauffeurs, la plupart ne survivront pas et resteront des héros anonymes.
Une fois tous les canots mis à la mer, seul le canot N° 14, sous la responsabilité de Harold Lowe, fera demi-tour pour rechercher des survivants: il ne recueillera que 4 personnes dont l'une mourut dans l'heure suivante.
Le canot N° 14 sous les ordres du 5ème Officier Harold Lowe
remorque le radeau pliable D jusqu'au Carpathia.
On remarque l'absence de mât sur le radeau.
Le 1er canot à être récupéré par le paquebot Carpathia de la Cunard Line fut le canot N° 2 à environ 4 h 00 le matin du 15 Avril. Le dernier canot à atteindre le navire sauveteur fut le N° 12 vers 8 h 00. Après que tous les survivants soient montés à bord, l'équipage du Carpathia abandonna à la dérive les canots N° 4, 14, 15, Cet D. 7 des canots du Titanic furent fixés aux bossoirs du Carpathia et 6 autres furent arrimés sur le gaillard d'avant. Au total, 13 canots furent ramenés à New York par le Carpathia.
Le canot N° 6 approche du Carpathia.
Le Quartier-Maître Robert Hichens est à la barre.
Il fallut plus de 4 heures au Carpathia pour récupérer à son bord tous les rescapés, car les canots étaient dispersés sur 3,5 milles (6,5 km).
Le canot N° 12 hissé à bord du Carpathia
Le navire sauveteur arriva à New York au soir du 18 Avril mais au lieu d'aller s'amarrer à l'embarcadère de la Cunard, le Carpathia le dépassa et accosta à celui de la White Star où il fit descendre les canots du Titanic avant de retourner à 21 h 30 à l'embarcadère de la Cunard pour débarquer les passagers.
Le tableau suivant donne les nombres de rescapés à bord des canots de sauvetage, au moment de leur mise à la mer. Ces nombres, établis par la Commission Britannique d'Enquête qui siégea après le naufrage, sont établis d'après les témoignages. En dernière colonne, on trouve les nombres réels de rescapés, très inférieurs.
Bâbord / Tribord |
Bâbord | Tribord | TOTAL Rescapés (Capacité: 1178) |
|||||||||||||||||||
N° du CANOT |
B | D | 2 | 4 | 6 | 8 | 10 | 12 | 14 | 16 | A | C | 1 | 3 | 5 | 7 | 9 | 11 | 13 | 15 | Selon Témoignages |
Nombre Réel |
Heure de départ |
* | 2h 05 |
1h 45 |
1h 55 |
0h 55 |
1h 10 |
1h 20 |
1h 25 |
1h 30 |
1h 35 |
* | 1h 40 |
1h 10 |
1h 05 |
0h 55 |
0h 45 |
1h 20 |
1h 25 |
1h 35 |
1h 35 |
||
Capacité en passagers |
47 | 47 | 40 | 65 | 65 | 65 | 65 | 65 | 65 | 65 | 47 | 47 | 40 | 65 | 65 | 65 | 65 | 65 | 65 | 65 | ||
Passagers Femmes + Enfants |
* | 40 | 21 | 36 | 24 | 35 | 50 | 40 | 53 | 50 | * | 64 | 2 | 25 | 30 | 20 | 42 | 60 | 59 | 53 | 704 | 353 |
Passagers Hommes |
* | 2 | 1 | 0 | 2 | 0 | 0 | 0 | 2 | 0 | * | 2 | 3 | 10 | 6 | 4 | 6 | 1 | 0 | 4 | 43 | 146 |
Membres d'équipage |
* | 2 | 4 | 4 | 2 | 4 | 5 | 2 | 8 | 6 | * | 5 | 7 | 15 | 5 | 3 | 8 | 9 | 5 | 13 | 107 | 212 |
TOTAL Canot |
* | 44 | 26 | 40 | 28 | 39 | 55 | 42 | 63 | 56 | * | 71 | 12 | 50 | 41 | 27 | 56 | 70 | 64 | 70 | 854 | 711 |
TOTAL Bord |
Total Bâbord: 393 | Total Tribord: 461 | 854 | 711 Nota ... |
||||||||||||||||||
* Les radeaux A et B ne furent utilisés qu'après que le navire ait sombré |
Selon les chiffres donnés, 854 personnes auraient réussi à prendre place à bord des canots.
Or, d'après le rapport de la Commission Britannique d'Enquête, le nombre total de rescapés fut de 711.Certains membres d'équipage ont, en effet, eu tendance à exagérer le nombre de présents dans chaque canot, la proportion de femmes et d'enfants sur les hommes, et diminuer leur propre nombre de façon à présenter les meilleurs arguments en leur faveur et ne pas être accusés d'avoir délibérément laissé des gens se noyer.
En réalité, les canots de sauvetage recueillirent 719 personnes parmi lesquelles 8 décédèrent avant leur rapatriement à New York:
- 1 passager de 1ère Classe et 3 passagers de 3ème Classe, à bord du radeau pliable A,
- 1 steward à bord du canot N° 4,
- 1 passager de 1ère Classe à bord du canot N° 14,
- 1 passager de 3ème Classe à bord du radeau pliable B,
- 1 marin qualifié à bord du Carpathia (il avait auparavant été tiré de l'eau sur le canot N° 4).
Ce qui porte à 711 le nombre de survivants débarqués à New York.
La composition des canots et radeaux en passagers et membres d'équipage résulte des témoignages et est, en partie, imprécise.
Il est, en effet, impossible d'établir avec exactitude, pour chaque canot, une liste exacte de noms. Les témoignages recueillis auprès des rescapés sont insuffisants pour établir de telles listes, tant pour la composition des canots au moment de leur départ que pour celle au moment de leur récupération par le Carpathia.
D'autre part, entre le moment où les canots ont été mis à la mer et celui où ils ont accosté le Carpathia, leur composition a évolué: par exemple, des rescapés ont été recueillis après qu'ils aient sauté à l'eau au moment du naufrage, d'autres (voire certains parmi les précédents) ont été transférés d'un canot à un autre.
Toute liste établie ne peut donc être qu'hypothétique et contestable.
Pour connaître la composition généralement admise au moment de la mise à la mer des canots,
cliquez dans le tableau sur le canot voulu.
Le rapport de la Commission Britannique d'Enquête fait état des commentaires suivants concernant l'évacuation des passagers dans les canots.
Au moment où le navire commençait à couler, les premiers canots mis à l'eau ( N° 7, 5, 6, 3, 1, 8, etc ... ) étaient très peu remplis.
Les femmes, sachant qu'emprunter les canots nécessitait une descente de 20 m vers la mer, refusaient de quitter le navire, s'y croyant plus en sécurité. Certaines refusèrent aussi de quitter leurs maris, non prioritaires dans l'évacuation.
Il était cependant possible de faire descendre les passagers par les portes des coupées situées sur les flancs du navire mais il semble que celles-ci ne furent jamais ouvertes.On a dit, d'autre part, que les Officiers craignaient que remplir complètement les canots aurait pu provoquer leur déformation, mais le fait que certains canots partirent remplis prouve le contraire.
Si les derniers canots partirent pleins, sans doute est-ce parce que les passagers avaient vu les lumières du Californian ( qui ne vint jamais ) et qu'ils étaient informés du message d'arrivée du Carpathia ( qui n'arriva que plusieurs heures plus tard ), atténuant ainsi leurs craintes.
Il convient aussi de considérer la nuit noire, le bruit terrifiant qui régnait, la présence du danger, l'incompréhension de la langue anglaise par de nombreux immigrants, les noyades, autant de facteurs qui n'incitaient pas, dans les premiers instants, à une évacuation sereine et qui firent que, par la suite, les membres d'équipage précipitèrent le remplissage des canots.
Nombre de commentaires ont été faits sur les insuffisances de l'organisation, la conduite de l'équipage et les conditions de l'évacuation des passagers, notamment de ceux de 3ème Classe. Il est impossible de les relater tous.
Dans les faits, le triste bilan du sauvetage se traduit par seulement 711 rescapés soit 60% des 1178 places disponibles dans les canots de sauvetage qui furent installés.
Parmi les 20 canots mis à la mer au moment du naufrage, 19 atteignirent le Carpathia. Seul le radeau pliable A fut auparavant abandonné à la dérive (il contenait 3 cadavres) par le 5ème Officier Harold Lowe qui avait transféré ses passagers dans le radeau D.
Après avoir recueilli les rescapés, le Carpathia abandonna à la dérive les 6 canots 4,14,15,B,C,D, ne pouvant pas tous les accepter à bord.
Il ramena ainsi à New York les 13 canots 1,2,3,5,6,7,8,9,10,11,12,13,16.
7 canots furent placés dans les bossoirs et les 6 autres sur le gaillard d'avant.Pendant la nuit qui suivit le retour des embarcations dans le port de New York, des chasseurs de curiosités pillèrent les canots, en quête de souvenirs. De nombreuses plaques marquées "S.S TITANIC" furent dérobées, de même que des plaques portant des numéros de canots et des pavillons de la White Star Line. Au petit matin, ces reliques furent vendues le long des quais à des prix variant de 5 à 25 dollars.
Peu après, des gardes furent postés pour effectuer une surveillance, et les plaques nominatives restantes, faites de laiton, furent démontées par des ouvriers de la White Star. Le 20 Avril, la White Star fit appel à une équipe d'inspecteurs de la C.M. Lane Lifeboat Company basée à Brooklyn pour faire l'inventaire et évaluer le contenu des 13 canots (N° 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 16); la valeur totale des canots et de leur équipement fut estimée à 5446,31 $.
Les 13 canots mouillés au quai de la White Star Line,
dans le port de New York
Les mêmes canots au cours de leur expertise
Les canots furent, semble-t-il, entreposés au 2ème étage d'un grenier à l'embarcadère de la White Star.
Pour la suite, nul ne sait véritablement ce qu'ils devinrent et les avis divergent.
Certains pensent que les canots furent abandonnés ou qu'ils pourrirent dans un chantier de Brooklyn.
D'autres, et c'est l'hypothèse la plus plausible, affirment qu'ils ont été remis en service par la White Star Line.Une photographie de l'Olympic, prise peu après dans le port de Southampton, donne à penser que les canots qu'on aperçoit au premier plan ont été ramenés en Angleterre par le jumeau du Titanic.
L'Olympic et les canots de sauvetage
Ils auraient ainsi été réparés, repeints, et affecté(s) à un(plusieurs) autre(s) navire(s); la White Star Line ayant, en effet, amélioré les conditions de sécurité après le naufrage du Titanic.