Les escaliers de 1ère Classe du Titanic
Le raffinement des installations du Titanic et sa décoration luxueuse faisaient l'unanimité des passagers.
Les éléments décoratifs majeurs étaient, sans conteste, le majestueux Grand Escalier avant et l'escalier arrière. Tous deux, surmontés d'un dôme de verre, desservaient les installations de 1ère Classe. Le premier était situé entre les 1ère et 2ème cheminées, le second entre les 3ème et 4ème cheminées.
Emplacement des escaliers de 1ère
Classe
Le Grand Escalier avant, avec sa double
volée, constituait l'accès principal à tous les ponts
desservant les installations de 1ère
Classe, en reliant le pont des embarcations au pont E.
Il avait une hauteur de plus de 18 mètres et mesurait près de 5
mètres de large.
Il n'existe malheureusement pas de
photographies d'époque du Grand Escalier, prises à bord du Titanic.
Seules subsistent celles prises sur son jumeau, l'Olympic.
Reconstitution du Grand Escalier avant
Revêtus de leurs habits de soirée pour le dîner, les passagers de 1ère Classe descendaient le Grand Escalier jusqu'à la salle à manger sur le pont D ( ils disposaient également de 3 ascenseurs situés à l'arrière de l'escalier ).
Le dernier étage du Grand
Escalier de 1ère Classe
sur le navire jumeau Olympic
La décoration des géants des mers du
début du XXème siècle, conforme aux
goûts de l'époque, régnait généralement non sans excès.
Par exemple, le Grand Escalier du paquebot France
(qui effectua son voyage inaugural entre Le Havre et New York, le
20 Avril 1912, soit 10 jours après le Titanic),
constituait le fleuron de sa décoration. Il était la réplique
de celui de l'Hôtel du Comte de Toulouse, à Rambouillet, et la
Grande Descente ( le dernier étage ) était inspirée de la
Bibliothèque Nationale de France, à Paris.
Les architectes des chantiers Harland & Wolff, dont la coordination fut assurée par Alexander Montgomery Carlisle ( responsable des emménagements, de la décoration et du dispositif de sauvetage ) jusqu'à sa retraite, en 1910, avaient conçu une décoration faisant appel à un mélange de styles et d'imitations qui ne s'avérait pas toujours heureux mais cependant moins ostentatoire. On trouvait ainsi, à bord du Titanic, un échantillonnage presque complet de tous les styles européens des XVIIème et XVIIIème siècles.
En particulier, le style du Grand Escalier
du Titanic était inspiré de l'époque
Guillaume III et Marie II d'Angleterre, c'est à dire de la 2ème
moitié du XVIIème siècle.
Les parois étaient lambrissées de chêne poli et, au lieu des
habituelles balustrades aux sculptures chargées de cette
époque, les décorateurs avaient préféré des balustrades de
style Louis XIV, à volutes de fer forgé allégé de bronze et
de dorures, et au décor de fleurs et de feuillages, telles que
l'on peut en rencontrer dans certaines grandes demeures anglaises
de l'époque.
Des tableaux décoraient les paliers de chaque étage; ils n'ont jamais été retrouvés. Sur l'Olympic, des tableaux similaires furent rachetés lorsque le navire fut envoyé à la démolition en 1935 et ils parent de nos jours, avec diverses boiseries et autres objets de décoration, les murs des certaines demeures anglaises et des locaux d'entreprises. En particulier, les tableaux ci-dessous décorent les bureaux de la fabrique de peinture Crown & Berger à Haltwhistle en Angleterre ( Comté de Northumberland ). On pense qu'ils ont été commandés par les chantiers Harland & Wolff à des artistes locaux de Belfast.
Deux tableaux provenant de l'Olympic
A chaque palier, l'escalier débouchait sur de vastes halls éclairés par de délicates lampes de plafond dorées et meublés de sièges confortables.
Au niveau supérieur, décorant le dernier
demi palier, un grand panneau mural, sculpté par l'artiste
Charles Wilson, abritait une pendule entourée de personnages
allégoriques symbolisant "L'Honneur et le Gloire couronnant
le Temps".
Du fait qu'il n'existe pas de photographie de ce panneau prise
sur le Titanic, il n'est connu qu'à travers
son semblable, situé sur le navire jumeau Olympic.
Cette pendule ne put pu être installée à temps avant que le paquebot quitte
Belfast, une fois ses essais en mer terminés. Un miroir lui fut alors substitué
et elle ne prit sa place qu'après l'arrivée du Titanic à Southampton.
Détail de la pendule: "L'Honneur et la Gloire couronnant le Temps" (Panneau de l'Olympic) |
Etude en bois du panneau de l'Olympic (National Maritime Museum, Southampton) |
Sur ce panneau sculpté, on peut voir deux femmes ailées ( les allégories ) entourant le Temps symbolisé par la pendule:
- à gauche, est située l'allégorie symbolisant l'Honneur.
Son pied gauche est posé sur un globe et, de sa main droite, elle appose une inscription sur une tablette qu'elle tient de sa main gauche.
- à droite, est située l'allégorie symbolisant la Gloire.
Sa jambe droite est croisée sur sa jambe gauche et elle tient une branche de laurier de sa main droite. A ses pieds, est posée une couronne de lauriers.
Après le démontage de l'Olympic
en 1935, de nombreuses pièces ont été soit vendues aux
enchères, soit entreposées dans un hangar où elles furent
découvertes 56 ans plus tard.
En particulier le panneau allégorique original, qui fut vendu,
se trouve désormais, avec d'autres boiseries, dans l'Hôtel
White Swan à Alnwick, en
Angleterre ( comté de Northumberland ).
L'étude en bois ayant servi à l'élaboration de la sculpture
est exposée au National Maritime Museum de Southampton, et une
reproduction se trouve au Musée des Traditions et des Transports
d'Ulster ( situé à Cultra, jouxtant Holywood et près de
Belfast, en Irlande du Nord ).
C'est à partir du panneau original que Dave Coldham, chef
sculpteur, a supervisé la réalisation de la reproduction que
l'on peut voir dans le film de James Cameron.
Au pied de la 1ère
volée de marches, sur le pont A, le départ d'escalier était
orné d'un chérubin de style XVIIème
siècle, portant une torche. Il existait aussi un chérubin plus petit sur les départs
d'escalier des autres ponts, excepté sur le pont D, où se trouvait un
candélabre, et sur le pont E.
A chacun des paliers, les 4 faces du départ d'escalier portaient
des motifs sculptés différents.
Boiserie ( longueur 1,50 m
) provenant d'un départ d'escalier
et découverte peu après le naufrage par le Minia
Pour monter du palier du pont A au demi palier où se situait l'horloge, les passagers devaient gravir les 12 marches de la double volée, puis gravir les 7 autres marches de l'une des 2 volées latérales supérieures donnant l'accès au hall d'entrée du pont des embarcations. Le nez de chacune des marches était protégé par une plinthe de laiton.
L'escalier était surmonté d'une verrière
dont le dôme, constitué d'un ensemble de panneaux de verre
dépoli enchâssés dans une armature de fer forgé, laissait
filtrer et se déverser, le jour, des flots de lumière.
La nuit, un énorme lustre de cristal portant
50 lampes, fabriqué par Perry & Co. à Londres, ainsi qu'un
anneau de lampes à incandescence situé dans la moulure de la
bordure interne du dôme, illuminaient l'escalier.
Lustres de forme semblable à celui
éclairant le dôme
Nota: Ce n'est qu'en Avril
1999 que son propriétaire montra au public le carnet de croquis
de la compagnie Heaton Tabb & Co., qui était chargée de la
décoration intérieure des 3 paquebots transatlantiques de
classe Olympic.
C'est dans ce carnet que l'on peut voir
des plans en coupe du dôme et son mode d'éclairage nocturne.
A l'époque du tournage du film, James
Cameron, ignorant l'existence de ces croquis, filma un dôme
éclairé par l'arrière, ce qui donne le même effet mais ne
correspond pas à la réalité.
Sur le pont A, le Grand Escalier débouchait
sur le hall d'entrée de 1ère Classe.
Face aux marches, un corridor conduisait au Salon de lecture et
d'écriture ainsi qu'au Salon de 1ère
Classe.
Sur le pont D, il débouchait sur le Grand
Salon de réception de 1ère Classe
tendu de panneaux blancs, attenant à la Salle à manger de 1ère
Classe.
Le départ d'escalier, sur le pont D, était surmonté d'un
magnifique candélabre à 21 lampes, accueillant les convives de
tous ses feux.
Face à l'escalier, le long du mur du Grand Salon de réception,
se trouvait une tapisserie d'Aubussson intitulée "Les
Chasses du Duc de Guise" et représentant deux chasseurs
accompagnés d'un chien.
Le candélabre, sur le pont
D
La double volée de marches se terminait sur
le pont E.
Le Grand Escalier possédait cependant un prolongement jusqu'au
pont F: une simple volée du pont E au pont F permettait de
desservir la piscine et les bains turcs.
Et maintenant, grâce à des images
reconstituées à 360°, découvrez ce lieu grandiose ainsi que
son environnement ( cliquez sur chaque image afin de voir son
agrandissement ) ...
Au sommet du Grand Escalier, se trouvait l'accès vers le pont des embarcations
Sur le
demi-palier supérieur, entre le pont A et le pont des
embarcations,
resplendissait la pendule
murale
Le pied de la Grande Descente, sur le pont A
Grâce aux images vidéo en 3 dimensions,
qui apparaîtront en cliquant sur les liens suivants ( pour les
afficher, il est nécessaire d'être équipé du logiciel QuickTime
et de son option QuickTime Web Plug-in),
vous pourrez compléter votre visite virtuelle du Grand
Escalier. En utilisant le zoom en en déplaçant la souris, vous
circulerez en tous sens pour contempler le richesse de la
décoration.
Tendues sur les murs des paliers, on peut remarquer les
tapisseries, et sur les 2 dernières vidéos, le candélabre aux
21 lampes décrit plus haut.
La reconstitution n'est cependant pas totalement fidèle sur le
palier du pont D: la tapisserie faisant face à l'escalier et qui
montre un personnage à cheval, est différente de l'originale (
2 chasseurs accompagnés d'un chien ).
A l'arrière du navire, entre les 3ème et 4ème cheminées, se trouvait l'escalier arrière, réplique du Grand Escalier avant, reliant le pont A au pont C.
Bien moins grand et moins majestueux que le Grand Escalier avant, celui-ci était décoré dans un style identique, s'enorgueillissant des mêmes lambris de chêne et des mêmes balustrades raffinées de fer forgé.
L'escalier arrière sur le
navire jumeau Olympic
(On remarque la pendule placée dans un panneau
plus dépouillé que celui de l'escalier avant)
Morceau de chêne sculpté
provenant
de la balustrade de l'escalier arrière
et découvert peu après le naufrage par le Minia
Au moment du naufrage, la cassure du navire
se produisit juste au niveau de l'escalier arrière, ce qui
explique qu'il a été découvert davantage de morceaux et objets
divers provenant de cet escalier que de son homologue de l'avant.
C'est ainsi qu'en 1987, une expédition sur
l'épave, à laquelle participait l'IFREMER, retrouva le
chérubin de bronze qui décorait le départ de
l'escalier arrière, sur le pont C.
Ce chérubin, mesurant 45 cm, a été identifié comme provenant de l'escalier
arrière et non du Grand Escalier avant en raison de l'endroit
où il a été découvert, de sa plus petite taille et de la
position de ses bras. (Pour explication, lire le Nota ).
Le chérubin retrouvé ornait
le départ
de l'escalier arrière, sur le pont C
Nota: Il existe de nombreuses
représentations des chérubins des escaliers de 1ère
Classe, tendant une torche de leurs deux bras.
Beaucoup sont malheureusement erronées car inversées
horizontalement.
Voici de quelle manière les chérubins doivent être
correctement représentés ...
- Le chérubin du Grand Escalier avant, sur le pont A:
Le chérubin correctement représenté possède, en vue de face, ses deux bras tendus vers la droite: il tient la partie supérieure de la torche de sa main gauche.
Pour que le chérubin soit représenté dans le bon sens, vu face à l'escalier, on doit, en effet, voir derrière lui le cadran de la pendule murale avec ses chiffres dans l'ordre correct ( le sens des aiguilles d'une montre ). Dans le cas où la représentation ne permet pas de voir distinctement le cadran, il est possible de se référer à la sculpture "L'Honneur et la Gloire couronnant le Temps" où, toujours de face, l'allégorie se tenant debout avec les genoux croisés doit se trouver à droite et la seconde, un pied reposant sur un globe, doit se trouver à gauche.
- Les chérubins du Grand Escalier avant, sur les ponts B et C:
Ces chérubins, de plus petite taille que le précédent, se tenaient dans la position contraire: haut de la torche dans la main droite.
- Le chérubin de l'escalier arrière, sur le pont B:
Peu représenté sur les photographies d'époque, il était cependant identique à celui se trouvant dans le Grand Escalier avant, sur le pont A.
- Le chérubin de l'escalier arrière, sur le pont C:
C'est le chérubin qui a été retrouvé en 1987 lors d'une expédition sur l'épave et que l'on peut voir lors de diverses expositions.
Il était identique à ceux se trouvant dans le Grand Escalier avant, sur les ponts B et C, et donc plus petit que celui situé sur le pont B du même escalier , et que celui situé dans le Grand Escalier avant, sur le pont A.
Il était donc de la taille inférieure et tenait la partie supérieure de la torche de sa main droite tendue.
- Pourquoi existait-il 2 types de chérubins ?
On ignore malheureusement la raison exacte des positions inversées des chérubins.
Cependant, on remarque que les chérubins les plus grands et identiques se trouvaient les plus haut placés dans les 2 escaliers. Il est probable que les constructeurs et les décorateurs ont voulu les placer ainsi pour donner plus de majesté aux premiers paliers auxquels les passagers pouvaient accéder, en harmonie avec leur magnifique décoration.
Les panneaux et balustrades de bois ayant habillé les escaliers sont désormais introuvables car rongés par les bactéries régnant dans les fonds sous-marins; quant aux armatures des escaliers et des dômes, faites d'acier ou de fer forgé, les différentes expéditions n'en n'ont pas trouvé trace: soit qu'elles sont enfouies dans la vase reposant sur le fond ou les ponts, soit qu'elles aient aussi été les proies des organismes marins.
Les restes de la cage
du Grand Escalier
Du Grand Escalier avant, il ne reste plus aujourd'hui, comme le montre la photographie ci-dessus, que sa cage débouchant par une ouverture béante d'environ 6 m sur 5 m.
De l'escalier arrière, on peut voir, au fond de l'océan, une partie de la verrière avec son armature:
Partie du dôme de l'escalier arrière gisant
sur le fond