Les animaux à bord du Titanic

Kitty, Sun Yat-Sen, Frou-Frou, Gamin de Pycombe, Lady et les autres ...

 

Le 10 Avril 1912, à Southampton, un chien resta cependant à quai. Et pour cause ! Il portait sur son dos deux sacoches où l'on pouvait y déposer une obole au profit des familles des marins perdus en mer.

 

Certains visiteurs pourront considérer que le sujet traité ici est quelque peu déplacé face à la tragédie humaine qui se déroula une nuit d'Avril 1912. Leur désapprobation sera légitime.

Et pourtant ...

La vie des passagers ainsi que leurs habitudes ne se sont pas arrêtées sur les quais d'embarquement des villes de Southampton, Cherbourg ou Queenstown, mais se sont poursuivies dans la "ville flottante" qu'était le "paquebot de rêves" et ce, jusque dans les eaux glacées de l'Atlantique Nord.
Les animaux faisaient partie de leur vie domestique et même professionnelle.

C'est ainsi que certains passagers étaient accompagnés de leurs animaux de compagnie. D'autres personnes, passagers accompagnants ou non, avaient utilisé le Titanic comme moyen de transport de quelques animaux à destination de Cherbourg ou des Etats-Unis.

La présence d'animaux à bord est incontestable: preuves et témoignages l'attestent ...

 

Les animaux ...

Les chats

Les chiens

Les oiseaux

Les rats

 
Kitty entourée de ses maîtres:
Madeleine et John Jacob Astor

 

 

Les chats

Des chats étaient souvent emmenés à bord des navires. Une croyance les disait, en effet, porteurs de bonne chance et, de surcroît, ils y chassaient les éventuels rongeurs.

Malheureusement, aucun chat ne se trouvait à bord du Titanic pendant son unique voyage. Peut-être était-ce un signe de mauvais sort ...

Pourtant, avant le départ du Titanic, une chatte baptisée "Mouser" ("Souricière" ou encore "Attrape-souris") selon certains, ou "Jenny" selon d'autres comme l'hôtesse de 1ère classe Violet Jessop, avait fait du navire, son territoire. Dans ses mémoires, Violet Jessop raconta:
"Jenny, la chatte du navire, faisant partie de l'équipage, s'était aussitôt déniché un coin confortable, changeant ses habitudes de Noël sur les précédents navires pour offrir au Titanic une portée de chatons, en Avril. Elle installa sa progéniture près de Jim, le souillon de cuisine [probablement John Collins, 17 ans], dont elle cherchait toujours l'approbation, vu les circonstances, et qui lui manifestait un chaleureux attachement".
Mais un événement eut lieu, qui vint jeter le trouble ...

 

 

Le chauffeur Jim "Big Joe" Mullholland (chargé de la conduite et de la surveillance d'une chaudière) avait été engagé à Belfast par la White Star Line pour participer aux essais du navire et le conduire à Southampton. Amoureux des chats, il eut pitié d'une chatte tigrée qui attendait des petits et qu'il avait trouvée, errant sur les quais de Belfast. Il l'amena à bord et l'installa dans une boîte en bois, dans une soute à charbon.

Arrivé à Southampton, il resta à bord quelque temps à s'occuper de Mouser, se demandant s'il devait s'engager sur le Titanic pour faire la traversée jusqu'à New York, ou rejoindre un tramp, ce qui lui assurerait plusieurs mois de travail.
Un jour, un autre marin, regardant par-dessus bord, vit la chatte quitter le paquebot par l'échelle de coupée tout en descendant ses 4 chatons un par un, les déposer sur le quai, et abandonner le navire. L'homme appela aussitôt Mulholland et lui dit: "Regarde, Big Joe. C'est ta chatte qui descend ses petits par l'échelle de coupée". Mulholland lui répondit: "Ma décision est prise". Big Joe pensa, à cet instant, que Mouser connaissait la meilleure solution et il suivit son exemple: il prit son balluchon, quitta le
Titanic, trouva un tramp et vécut heureux.

C'est quelques jours plus tard qu'il fit ce récit à un journaliste de l'Irish News. Il le confirma en 1962 au Sunday Independant, à l'occasion de la centième commémoration du naufrage. Il expliqua que Mouser "savait quelque chose et qu'elle avait décidé que le Titanic n'était pas un endroit pour qu'elle et sa famille y passent leur vie".

Encore un mauvais présage ... mais aussi un marin qui eut la vie sauve grâce à un chat.

 

Les chiens


Sortie des chiens près du chenil d'un paquebot, en 1922

 

La présence des chiens sur les paquebots de la White Star Line n'était acceptée que pour les passagers de 1ère classe et était payante: de 10 $ à 25 $ (ou de 2 £ à 5 £) par traversée, selon l'animal.
On ignore exactement combien de chiens, accompagnant leurs maîtres, se trouvaient à bord du
Titanic: ils n'ont pas été recensés.
Ils étaient cependant nombreux et de toutes races (airedales, bouledogues, chows-chows, loulous de Poméranie, terre-neuve, épagneuls King-Charles, etc ...) à tel point qu'un défilé canin était prévu le Lundi 15 Avril après-midi, à l'initiative du passager de 1
ère classe Samuel Goldenberg, sur le conseil de son épouse Nella.
Malheureusement, ce concours n'eut pas lieu car le sort en décida autrement ...

Samuel Goldenberg, cynophile réputé, éleveur d'épagneuls King Charles et de dogues, avait fondé la Société Canine de Savoie, en Italie, et le Club du Dogue Français, à Paris. Juge international dans les concours canins, il se rendait à New York car on venait de lui demander d'être l'un des juges du concours de dogues qui devait se dérouler le 20 Avril à l'Hôtel Waldorf-Astoria.
Samuel et Nella Goldenberg, qui n'étaient pas accompagnés de leurs animaux favoris à bord du Titanic, échappèrent au naufrage à bord du canot N° 5.

 

Samuel et Nella Goldenberg

 

 

Le peintre et essayiste américain Francis David Millet, voyageant en 1ère classe, écrivit une lettre à un ami.
Dans cette lettre postée de Queenstown, Francis Millet se plaignait, en ces termes, de ses compagnons de voyage:

"Beaucoup de gens curieux parmi les passagers et, notamment, une kyrielle d'Américaines absolument odieuses, pleines de morgue; des pestes qui empoisonnent les lieux qu'elles fréquentent, bien pires à bord d'un bateau qu'à terre."

Et, ayant observé nombre de passagers qui avaient amené leurs animaux avec eux, il ajoutait:

"La plupart d'entre elles sont affublées de minuscules chienchiens, mais ce sont leurs maris qu'elles tiennent fermement en laisse, comme des agneaux bêlants."

 

 

Sur le Titanic, les passagers de 1ère classe pouvaient être accompagnés de leurs chiens dans leurs cabines mais disposaient aussi d'un chenil composé de niches et qui était installé sur le pont F, derrière les cuisines de 3ème classe. Les chiens y étaient alors confiés aux soins du boucher des cuisines, le mieux placé pour les nourrir.
Bien que le paquebot fut flambant neuf et très propre, les niches ne furent pas jugées assez dignes pour certains passagers.
Selon certaines sources, il est possible que les plans initiaux du
Titanic aient été modifiés et que le chenil ait occupé un local ouvrant sur le pont des embarcations, facilitant ainsi l'accès des chiens à l'extérieur.

Les maîtres pouvaient chaque jour promener eux-mêmes leurs chiens sur le pont, ou confier leur promenade aux stewards.

Parmi tous les chiens du bord, 3 seulement furent sauvés du naufrage.
Voici de ce qu'il advint de quelques uns ...

 

 

John Jacob et Madeleine Astor

 

Après la catastrophe, Madeleine Astor raconta que Kitty s'était perdue lors d'une croisière sur le Nil, pendant le voyage que le couple avait effectué en Egypte.
Lors d'une escale, Kitty s'était délibérément éloignée de son maître pour aller vagabonder. Le Colonel Astor fut profondément affecté par la disparition de sa chienne et passa des heures à la chercher. Même lorsqu'il dut abandonner ses recherches et regagner le bateau sur le Nil, il fit appel à nombre d'autochtones pour la retrouver, promettant une généreuse récompense à qui la ramènerait. Il n'y eut aucune nouvelle de Kitty jusqu'au voyage de retour quand, en dépassant un autre bateau, Astor aperçut Kitty qui prenait à bord le chemin du retour. Le bateau des Astor fut arrêté et Kitty retrouva son maître dans de joyeux aboiements. Kitty portait un collier sur lequel étaient gravés son nom, celui du Colonel et l'adresse "N° 840, 5
ème Avenue, New York". Elle s'était retrouvée à bord du mauvais bateau, ramenée par d'autres riches Américains qui savaient à qui la chienne appartenait et recherchaient les Astor pour la leur rendre. Après cet événement, elle fut l'objet d'une surveillance plus attentive et plus tard, à bord du Titanic, elle dormit même dans la suite des Astor.

 

 

 

Helen Walton Bishop

 

Le quotidien Dowagiac Daily News (Michigan), dans son édition du 20 Avril 1912, rapporta avec détails le témoignge de Helen Bishop:
"J'avais le coeur brisé d'abandonner ma petite chienne Frou-Frou dans ma cabine. Je l'avais achetée à Florence, en Italie. Le steward ne voulait pas me laisser la conduire chez le boucher. Il disait qu'elle était trop mignonne, et qu'elle était la seule à pouvoir rester dans une cabine. Je lui avais confectionné une petite niche dans notre chambre, derrière deux de mes valises, mais lorsque je me suis apprêtée à partir, elle a déchiré ma robe en morceaux en tirant dessus. Je me suis rendue compte, pourtant, qu'il n'y aurait guère de compassion pour une femme portant un chien dans ses bras, alors qu'il y avait la vie des femmes et des enfants à sauver".
Nota: Les chiens étaient confiés aux soins du boucher de 3ème Classe.

 

 

Robert Williams Daniel
et "Gamin de Pycombe"

 

Eva Hart, une fillette âgée de 7 ans qui voyageait en 2ème classe, était tombée folle amoureuse de Gamin de Pycombe en le voyant se promener sur le pont arrière du paquebot. Toute sa vie, elle conserva pour cette race une affection particulière.

 

 

Margaret Bechstein Hays

 

 

Mrs Martin Rothschild

 

 

William Thornton Carter

 

 

Charlotte Drake Cardeza

 

 

 

 

Ann Elizabeth Isham

 

 

 

 

 

Lady Duff Gordon et Bobbie

 

Clarence Moore, richissime homme d'affaires voyageant en 1ère classe et qui se rendait à Washington, venait d'acheter en Angleterre, 50 couples de chiens de chasse pour sa meute personnelle de Loudoun, en Virginie. Heureusement, ceux-ci n'étaient pas du voyage.

 

Clarence Moore

 

 

Le Commandant Smith
tenant en laisse un barzoï

 

Il est aujourd'hui tenu pour acquis que ce lévrier n'était pas un cadeau du Tsar Nicolas II ni de la famille impériale et que le Commandant Smith n'était pas propriétaire d'un barzoï. Comment, alors, Smith est-il venu à tenir ce chien en laisse ?

La photographie fut prise en Juin 1911, à bord de l'
Olympic, pendant son voyage inaugural. Il semblerait que le paquebot ait transporté vers l'Amérique une "princesse russe" et que celle-ci aurait laissé le Commandant poser avec son chien. La réponse précise ne sera sans doute jamais apportée de manière définitive. Il est certain, en tout cas, que Smith n'était pas accompagné d'un chien à bord du Titanic, comme on a parfois pu le lire.


3. Bien qu'il ne s'agisse pas de la gent canine, il convient de signaler que, peu après la catastrophe, certains journaux écrivirent que le Titanic était équipé d'une étable et que la traite des vaches permettait aux passagers de 1ère classe de consommer du lait frais au petit déjeuner.
Pure affabulation ! Il n'y eut jamais d'étable à bord du
Titanic, pas plus qu'à bord des autres paquebots de l'époque.
Pourtant, certains navires, qualifiés de "paquebots des pauvres", emportaient leur propre bétail, qui était abattu pendant la traversée, mais le
Titanic était équipé de chambres froides permettant de conserver les denrées périssables.
Donc, point d'étable, pas plus que de porcherie, sur le
Titanic.

 

Les oiseaux

S'il n'existait pas de chat à bord, il s'y trouvait cependant quelques volatiles.

L'un d'eux était un canari, embarqué dans sa cage à Southampton, et qui fut débarqué, avec d'autres marchandises, à Cherbourg, lors de l'escale du 10 Avril 1912.
Il était la propriété d'un certain Mr Meanwell qui demeurait en France et avait payé 5 shillings pour son transport.
Mr Meanwell désirait, en effet, faire venir d'Angleterre son précieux canari. Il avait demandé au Commissaire de bord McElroy de bien vouloir le lui ramener de Southampton à Cherbourg. Selon les témoignages, McElroy était ravi d'avoir pour compagnon de voyage cet oiseau en cage qui pépiait dans son bureau.
Le voyage du canari ne dura que quelques heures et un triste sort lui fut ainsi épargné. Ce ne fut malheureusement pas le cas de McElroy qui périt dans le naufrage, 5 jours plus tard.

 

 

Outre le canari, d'autres volatiles étaient du voyage, cette fois à destination de New York.
Confiés aux soins du boucher de 3
ème classe, comme tous les animaux domestiques, ils se trouvaient dans des caisses confortables et soigneusement marquées (pour éviter qu'ils ne finissent à la cocotte), installées près des niches de chiens, sur le pont F, derrière les cuisines de 3ème classe.
Autant dire que leur sort fut moins heureux ...

Dans la cabine E101, en 2ème classe, Miss Edwina Celia Troutt (devenue par la suite, Mrs Edwina Mc Kenzie), bavardait avec ses compagnes de voyage, Nora Keane et Susan Weber.
Un soir, avant d'aller se coucher, Nora raconta sa conversation avec une autre passagère, Nellie Hocking, de Cornouailles.
Cette dernière lui avait dit que, à la tombée de la nuit, elle avait entendu un coq chanter, ce qui dans le folklore de Cornouailles, est le signe d'un désastre imminent (
"... Bien sûr que c'est vrai. Ecoutez ! Vous pouvez presque l'entendre vous-même !").
Il est bien possible que Nellie et ses compagnes de chambre aient entendu un coq chanter.
En effet, Miss Marie Grice Young revenait de Paris où elle avait acheté des volailles vivantes au Jardin des Plantes: deux coqs français primés et deux poules. Miss Young partageait une cabine de 1
ère classe avec Mrs John Stuart White. Toutes deux regagnaient la propriété de Mrs White située à Briarcliff, dans l'état de New York.

 

Miss Marie Grice Young et Mrs John Stuart White

 

Tous les jours, Miss Young descendait de sa cabine du pont C pour voir ses coqs et ses poules qui se trouvaient dans des caisses, elles aussi confortables et soigneusement étiquetées, près des niches des chiens, sur le pont F. Les poules pondirent quelques oeufs et Miss Young récompensa quotidiennement d'une pièce d'or le jeune charpentier John Hutchinson qui veillait sur sa basse-cour. Hutchinson lui en fut très reconnaissant et s'exclama: "Cela porte chance de recevoir de l'or pendant une première traversée".
Ce fut Mrs John Stuart White qui, parmi les biens qu'elle perdit dans le naufrage, réclama un dédommagement de 207,87 $ pour la disparition de "volaille vivante, coqs et poules".

 

 

Mrs Elizabeth Nye, passagère anglaise rescapée de 2ème classe et membre de l'Armée du Salut, raconta qu'après avoir débarqué du Carpathia, elle remonta sur le navire sauveteur pour retourner chercher quelque chose qu'elle avait laissé. Chose incroyable, elle revint avec un canari dans une cage de laiton, tout ébouriffé mais chantant toujours. La petite créature avait-elle survécu au terrible naufrage et accompagné Mrs Nye dans un canot de sauvetage ? Mrs Nye ne confirma cependant jamais clairement cette histoire.

 

Mrs Elizabeth Nye

 

Mrs Charles Stengel, passagère américaine de 1ère classe, réclama après le naufrage la somme de 150 dollars pour la perte de son "oiseau de paradis". On ignore, cependant, s'il s'agissait d'un véritable oiseau ou bien d'un bijou.

 

Mrs Charles Stengel

 

Les rats

Bien qu'étant un paquebot flambant neuf, le Titanic, dont le lancement avait eu lieu près d'un an auparavant, était le repaire de rats provenant des quais ou s'étant introduits avec le chargement de la cargaison. A cette époque, leur présence était courante sur les navires.

John Podesta, chauffeur comme Jim Mulholland, raconta que le Samedi 13 Avril, lui et un aide, William Nutbean, s'arrêtèrent d'alimenter les chaudières pour faire une pause. Ils se tenaient près de l'une des portes étanches et se trouvèrent à jeter un coup d'oeil au-devant. C'est alors qu'ils virent une demi-douzaine de rats, venant de la zone où la collision se produirait plus tard, filer à toute allure vers eux. Les deux hommes chassèrent les rongeurs à coups de pied alors qu'ils passaient à côté d'eux. Sur le coup, Podesta ne fit pas de cas de l'incident mais, après le naufrage, il déclara: "C'est vrai qu'ils peuvent sentir le danger". Il ne pouvait, en effet, s'empêcher de penser que les rats devaient savoir ce qui allait se passer dans la partie avant du navire et qu'il valait mieux qu'ils filent vers l'arrière pour tenter d'échapper au mauvais sort.

 

 

S'il n'y avait pas de chats à bord, la présence de l'un d'eux aurait été fort utile, notamment le soir du 14 Avril, dans le salon de 3ème classe: une soirée y était donnée après le dîner et, tout à coup, comme en témoigna Mary Katherine Gilnagh, 16 ans, un rat traversa la salle, interrompant les danses. Les garçons lui donnèrent la chasse alors que les jeunes filles poussainet des cris d'horreur ou d'excitation !

Charles Pellegrino, scientifique et écrivain américain qui a participé à plusieurs expéditions sur l'épave, estime que le Titanic était peuplé de 6000 rats !
Il ajoute, en outre, que 350 000 cafards et 2 billions d'acariens se trouvaient à bord !
Bien entendu, aucun de ces passagers clandestins n'a officiellement été enregistré comme rescapé, mais des millions d'acariens ont certainement embarqué dans les canots de sauvetage au milieu des vêtements et des couvertures ...

 

Le R.M.S. Titanic

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