Anecdotes sur le Titanic...

 

Plus de 2200 personnes à bord du Titanic dont plus de 1300 passagers, leur nombre exact n'ayant pu officiellement être établi ...
Certains passagers ayant embarqué clandestinement ou sous de fausses identités, comme certains membres du personnel de bord ...
Le sauve-qui-peut lors du naufrage ...
Dans ces conditions, il n'est donc pas étrange que se soient produits des événements insolites ou anecdotiques, survenus même après la catastrophe. Plusieurs d'entre eux sont relatés ici, pour exemples. L'histoire du
Titanic en fourmille ...


Les récits ...
 

L'homme habillé en femme

Howard Irwin, passager clandestin

Thomas Hart, mort et ressuscité

La disqualification de Craganour

Le Titanic, cause de divorce

 

 

L'homme habillé en femme

Ce n'est qu'une légende ...

C'est souvent ce que l'on pense de l'histoire d'un inconnu déguisé en femme afin d'assurer sa place sur un canot de sauvetage du
Titanic et de sauver ainsi sa vie.

Mais pourtant, non ! Ce n'est pas une légende !

L'histoire de "l'homme habillé en femme" est fondée sur un incident réel ou, plus exactement, sur TROIS incidents distincts impliquant des hommes différents et utilisant l'art de la supercherie afin de survivre au naufrage.
Bien qu'aucun des hommes en question ne semble, selon les témoignages recueillis à l'époque, être allé jusqu'à revêtir des vêtements féminins afin de trouver une place dans un canot, les ruses auxquelles ils ont recouru étaient semblables et ont fait qu'ils soient pris pour des femmes, ce qui permit à chacun de monter dans un canot identifié (ou d'y rester).
Cependant, des années plus tard, un autre témoignage, recueilli par Walter Lord, vint remettre cette histoire en lumière avec, cette fois, un déguisement plus complet ...

 

Daniel Buckley était un jeune Irlandais de 21 ans qui avait embarqué à Queenstown avec un groupe de 6 amis. Ils voyageaient en 3ème classe.
Au moment de la collision, Buckley, qui était endormi dans un dortoir près de la proue, se réveilla et s'aperçut que l'eau lui montait jusqu'aux chevilles. Il essaya de réveiller ses compagnons de chambrée mais ils ne l'entendirent pas et il quitta le dortoir, fermant la porte derrière lui. Il ne les revit jamais.

Buckley se dirigea alors vers les ponts ouverts, mais en atteignant l'escalier menant à la 1ère classe, il se trouva entouré d'autres passagers de l'entrepont qui étaient bloqués par un membre de l'équipage qui leur refusait l'accès. Un homme tenta de passer mais il fut repoussé. Il recula, en colère, mais le marin ferma la porte à clé. L'homme brisa la serrure et les passagers, dont Daniel Buckley, purent passer.

Pendant les derniers moments du naufrage, de nombreux hommes se trouvaient sur le pont des embarcations tandis qu'on préparait le canot N°13 pour sa mise à l'eau. Lorsque plusieurs de ces hommes tentèrent de sauver leur vie en sautant dans le canot, Daniel Buckley décida de saisir sa chance et sauta dans le canot avec eux.

Soudain deux Officiers s'approchèrent du canot, escortant un grand nombre de passagers de 3ème classe des deux sexes. Ils ordonnèrent aux hommes se trouvant déjà dans le canot d'en sortir pour faire de la place pour les femmes. Personne ne bougea. Ils répétèrent leurs ordres en hurlant. N'obtenant aucun résultat, l'un d'eux sortit son révolver et tira plusieurs coups de feu en l'air. La plupart des hommes obéirent alors aux Officiers mais une demi-douzaine de chauffeurs et de marins refusèrent de quitter le canot et restèrent à leur place.
Buckley, terrorisé, se mit à pleurer et décida de rester dans le canot avec eux et, comme il le dira à ses parents dans une lettre écrite le 18 Avril à bord du Carpathia,
"Je me suis caché au fond du canot."

Au cours de son témoignage devant la Commission d'enquête de Sénat américain, Buckley révéla ce qui arriva ensuite: "Je criais. Il y avait une femme dans le canot, elle avait jeté son châle sur moi, et elle me dit de ne pas bouger. Je crus que c'était Mrs Astor. Personne ne me vit, le canot fut descendu pour être mis à l'eau, et nous nous éloignâmes du paquebot à la rame."

Daniel Buckley mourut en 1918, à l'âge de 27 ans, en service pendant la 1ère Guerre Mondiale.

Nota: Madeleine Astor se trouvait en réalité dans le canot N°4.

 

Pendant l'enquête du Sénat américain sur le Titanic, le Sénateur William Alden Smith interrogea le 5ème Officier Lowe sur sa participation dans l'évacuation du Titanic.
Lowe, qui avait été chargé du canot N°14, dit au Sénateur Smith que son canot contenait 58 personnes, et le Sénateur lui demanda si toutes ces personnes étaient des femmes:

Mr. Lowe: Toutes étaient des femmes et des enfants, sauf un passager, un Italien, qui s'était faufilé et était habillé comme une femme.

Sénateur Smith: Il portait un vêtement de femme?

Mr. Lowe: Il avait un châle sur la tête et quelque chose d'autre; je ne m'en aperçus qu'au dernier moment.

Le 5ème Officier Lowe raconta au Sénateur Smith comment il avait commencé à transférer les gens de son propre canot dans plusieurs autres canots de sorte qu'il puisse retourner sur le lieu du naufrage et tenter de récupérer des survivants. Lowe décrivit alors comment il en vint à découvrir l'homme en question.

Mr. Lowe: Je demandai alors à des volontaires de retourner avec moi jusqu'à l'épave, et c'est à ce moment que je découvris cet Italien. Il venait de l'arrière, portait un châle sur la tête, et je crois qu'il avait une jupe. En tout cas, je retirai le châle de son visage et vis qu'il était un homme. Il était très pressé de monter dans l'autre canot, je m'en saisis et l'y projetai.

Sénateur Smith: L'y projetai?

Mr. Lowe: Oui, parce qu'il ne méritait pas d'être mieux traité.

Sénateur Smith: Vous l'avez projeté parmi les femmes?

Mr. Lowe: Non Monsieur, dans la partie avant du canot dans laquelle je transférais mes passagers.

Sénateur Smith: Avez-vous fait usage d'un vocabulaire assez énergique en faisant cela?

Mr. Lowe: Non Monsieur, je ne lui ai pas dit un mot.

Sénateur Smith: Juste tiré et projeté dans cet autre canot?

Mr. Lowe: Oui.

 

Edward Ryan était un autre jeune Irlandais de 24 ans qui avait embarqué à Queenstown dans l'espoir de commencer une nouvelle vie en Amérique.
Ryan fut l'un des quelques passagers de 3
ème classe qui eurent la chance de survivre au naufrage et, le 6 Mai 1912, il écrivit une lettre à ses parents pour leur raconter la façon avec laquelle il avait épargné sa vie:

"Je me tenais sur le Titanic et gardais mon sang froid pendant qu'il coulait rapidement. Il s'était alors enfoncé d'environ 12 mètres. Le dernier canot allait s'éloigner à la rame lorsque je pensais tout à coup que si je pouvais passer (c'est à dire monter dans le canot), je serais sain et sauf. J'avais une serviette autour du cou. Je la jetai aussitôt sur ma tête et la laissai pendre à l'arrière. Je portais mon manteau imperméable. Puis, d'un pas rapide, je dépassai les Officiers qui avaient déclaré qu'ils tireraient sur le premier homme qui oserait passer. Ils ne me remarquèrent pas. Ils crurent que j'étais une femme. J'attrapai une fille qui se tenait là désespérée, et je sautai de 9 mètres dans le canot avec elle."

Edward Ryan a peut-être été l'homme que l'Officier Lowe projeta violemment dans un autre canot pendant qu'il vidait le canot N°14 après le naufrage, après avoir découvert que l'agile passager était un homme.

 

Les 3 incidents ci-dessus constituent la meilleure preuve imaginable que la prétendue "légende" de l'homme qui s'était habillé en femme est basée sur la réalité et non la fiction. 2 des hommes en question ont volontiers admis qu'un châle (ou un équivalent) a joué un rôle permettant à chacun de trouver (ou de conserver) une place dans un canot. Le 3ème incident entraîna la découverte, faite par le 5ème Officier, d'un autre homme qui portait (lui aussi) un châle. Le pont des embarcations du Titanic était évidemment si faiblement éclairé cette nuit là qu'une tête couverte d'un châle modifiait l'apparence d'un homme juste assez pour vaincre les soupçons de l'équipage déjà préoccupé par le remplissage des canots avec des femmes et des enfants.

Il n'est pas impossible que, soit Daniel Buckley, soit Edward Ryan, ait été l'homme que le 5ème Officier Lowe découvrit revêtu d'un châle dans le canot N°14; si c'est le cas, cela signifierait qu'il y avait en réalité seulement 2 hommes (au lieu de 3) qui utilisaient le "stratagème du châle" afin de trouver une place à bord des canots de sauvetage du Titanic.

 

Pour la préparation de son livre "A Night to Remember" consacré au naufrage du Titanic, Walter Lord, qui fut lui-même passager de l'Olympic, recueillit de nombreux témoignages et reçut en particulier, de la part de l'un des descendants d'un rescapé, une lettre écrite au naufragé lui-même après l'accident. L'auteur de la lettre lui disait ceci:

"Cher ... ,

J'ai devant moi un témoignage établissant que vous avez essayé d'entrer de force dans un bateau de sauvetage [...] et qu'après que le Major Butt vous en eut empêché, vous avez disparu dans la foule avant de réapparaître quelques instants plus tard, venant de votre appartement, et habillé de vêtements de femme, des vêtements que l'on a vu votre épouse porter au cours du voyage.
Je ne peux pas comprendre comment vous pouvez marcher la tête haute et vous donner à vous-même le nom d'homme, alors que vous savez que vous devez à un mensonge chaque battement de votre cœur. Si votre conscience vous tracasse après avoir lu cette lettre, vous feriez mieux de franchir le pas: "la confession est le meilleur remède de l'âme", dit un proverbe.

Sincèrement vôtre."

Nota: Le Major Archibald Butt était l'Aide de Camp du Président des Etats-Unis William Howard Taft. Victime du naufrage, il ne put, évidemment, pas confirmer par son propre témoignage.

 

Bien que Walter Lord ne cite pas les noms des personnes impliquées (l'homme déguisé, le témoin de la supercherie et l'auteur de la lettre), probablement par respect pour leur mémoire et celle de leurs familles, ce témoignage accusateur, met en cause un autre passager portant un déguisement plus complet, ce qui laisse supposer, cette fois, que son intention était préméditée.

Par rapport aux précédents, ce témoignage vient introduire un nouveau personnage déguisé plus complètement que les autres, et porte à AU MOINS 3 le nombre d'hommes qui survécurent incontestablement au désastre en ayant eu recours à la ruse du déguisement, ce qui démontre aux historiens que la "légende" de l'homme qui se déguisait en femme est solidement basée sur des faits.

Howard Irwin, passager clandestin

L'histoire qui suit est extraite de la postface du livre "La nuit du Titanic" ("A Night to Remember") écrit par Walter Lord. Son auteur est Jean-Luc Majouret.

Il est un passager dont Walter Lord n'a pu reconstituer les faits et gestes dans les derniers instants du Titanic. Et pour cause: Howard Albert Irwin n'était pas censé se trouver là, et personne n'a connu son existence avant que les chercheurs de LP3 Conservation, chargés de traiter les effets remontés du fond de l'océan, ne découvrent son nom au fond d'une vieille malle.

"Très cher, personne ne peut prendre ta place." Ecrite le 8 Novembre 1912 et envoyée d'Indianapolis, la lettre qui débute par ces mots fait partie d'une longue correspondance échangée entre Irwin et sa fiancée, Pearl Shuttle. Au moment où Stéphane Pennec, du laboratoire LP3, confronte le nom de cet homme avec la liste des passagers, il constate qu'aucun Howard Irwin n'a embarqué à bord du Titanic ! Officiellement, du moins. Dans la malle, il découvre des cartes de visite à son nom, un journal intime, les lettres de sa fiancée. Or Irwin n'était probablement pas un passager clandestin - ou alors il ne se serait pas embarrassé d'une malle. La solution de l'énigme était à chercher ailleurs.

 


Journal intime et cartes de visite au nom de Howard A. Irwin
retrouvés dans sa malle. Sur le journal, on peut lire.
"La bière rend heureux. N'oublie pas que l'eau ne fait que nous mouiller".

 

Au terme de plusieurs mois d'enquête, le chercheur américain Matt Tulloch a réussi à résoudre le mystère Irwin et même à reconstituer la biographie du passager fantôme. Irwin se trouvait effectivement à bord du Titanic, mais sous un nom d'emprunt. Des jeux de cartes, des billets de courses de lévriers et de chevaux aux Etats-Unis et en Australie montrent qu'Irwin était un joueur quasi professionnel, même si son métier d'origine était la fabrication de selles et de harnais. Au moment où l'homme s'embarque sur le Titanic, à Southampton, il boucle un tour du monde. Aventurier désargenté, Howard Irwin commence son tour du globe en Janvier 1910. Il parcourt d'abord les Etats-Unis en train, d'est en ouest, se faisant embaucher dans des tanneries et jouant au poker. En Californie, il s'embarque. Destination, l'Australie. Là-bas, il collectionne gris-gris, peaux de serpents et d'antilopes: tout un bric-à-brac qui se trouvait dans sa malle au moment du naufrage.

 


Howard Albert Irwin

 

Au bout d'un an, Irwin traverse l'Océan Pacifique, puis rejoint l'Europe par le Canal de Suez. Il réside quelque temps en France et en Angleterre avant de s'embarquer à nouveau à bord du Titanic, à Southampton. Selon Matt Tulloch, Irwin ne voyageait pas seul. Dans son journal de bord, il mentionne un camarade rencontré à Buffalo, dans l'Etat de New York: Henry Jr Sutehall occupe une cabine de 3ème classe sur le Titanic. Sutehall est d'ailleurs compté parmi les victimes. Une carte de membre d'une sorte de loge maçonnique, domiciliée à Niagara Street, à Buffalo, au nord de New York, retrouvée dans les affaires d'Irwin, a conduit Matt Tulloch jusqu'à cette ville. Dans son journal, Irwin indiquait que le Club International Order of Old Fellows se réunissait tous les vendredis à 20 heures. Tulloch s'y est rendu. A 20 heures précises, un vieillard lui a ouvert les portes. D'autres sont arrivés. L'International Order of Old Fellows existait encore ! Le maître de la loge a fini par accepter de montrer le vieil annuaire du club. Le nom de Howard Irwin y figure. Sa date de naissance est mentionnée. A la place où devrait être notée celle de son décès, un blanc.

Toutes les spéculations sont possibles concernant le destin de Howard Irwin. Rien ne prouve que le fiancé de Pearl Shuttle soit mort noyé dans la nuit du 14 au 15 Avril 1912. Il a pu aussi bien prendre place dans un des canots, parmi les 119 passagers mâles qui furent finalement sauvés, puis escalader les échelles de sauvetage du Carpathia et enfin poser le pied, trois jours plus tard, sur un quai de Manhattan. Souhaitons-le-lui.

Commentaires:

Des recherches ont établi que Henry Sutehall, 25 ans, sellier en charrettes et automobiles, demeurant à Buffalo, Etat de New York, avait effectivement fait la rencontre de Howard Irwin avec lequel il s'était lié d'amitié. Au milieu de l'année 1911, tous deux étaient partis faire le tour du monde, passant par l'Australie, l'Afrique du Sud, le Canal de Suez, la France et l'Angleterre.
Henry Suthehall, passionné de musique, avait emporté son violon et Irwin, sa clarinette.

 


Henry Jr Sutehall

 

Il est aujourd'hui certain que Sutehall embarqua seul sur le Titanic à Southampton pour effectuer le voyage de retour aux Etats-Unis. En revanche, on ignore pour quelles raisons Irwin ne l'accompagna pas, et pourquoi la malle contenant ses affaires personnelles se trouvait à bord.

La malle de Howard Irwin fut retrouvée au fond de l'océan lors de l'expédition sur l'épave qui eut lieu en 1993: outre les objets cités plus haut, elle contenait sa clarinette, des cartes à jouer, un lot de cartes postales dont l'une représentait le paquebot Rochambeau de la Compagnie Générale Transatlantique, son journal de voyage et des lettres écrites par Ann Shuttle, sa fiancée.

Des recherches ont montré que Howard Albert Irwin est né le 13 Décembre 1887 à Lindsay, Ontario, Canada, et qu'il est décédé le 23 Septembre 1953 à Haledon, Passaic, New Jersey. Cependant, on ignore encore quelle fut son existence après le naufrage du Titanic.

 


La carte postale retrouvée, représentant le Rochambeau

Thomas Hart, mort et ressuscité

Le récit de cette étonnante histoire est extrait du livre "Titanic, destination désastre" écrit par John P. Eaton et Charles A. Haas.

Parmi les personnes qui s'engagèrent pour servir à bord du Titanic, un homme de 49 ans se présenta le 6 Avril 1912 avec un livret maritime établi au nom de Thomas Hart, 51 College Street, Southampton. Incorporé comme chauffeur au quart de 8 à 12 heures, il disparut durant le naufrage.

Sa vieille mère, écrasée de chagrin, reçut de la White Star Line la notification officielle de la mort de son fils. Elle vit également son nom figurant sur la liste des disparus à l'extérieur des bureaux de la compagnie sur Canute Road.
Le 8 Mai, ce fut le choc de sa vie, lorsque son fils entra dans leur maison de Southampton, plus vivant que jamais. Il admit, d'abord à sa mère, puis aux autorités, d'un air penaud, qu'il avait perdu son livret maritime dans un pub, après avoir beaucoup bu. Non, il n'avait aucune idée de qui l'avait trouvé ou dérobé et utilisé. Non, il n'avait pas embarqué lui-même à bord du
Titanic. Depuis le désastre, plein de confusion, il avait erré, dormant ici et là, ayant peur de se montrer ou de rentrer à la maison.

Il fallut bien croire l'histoire de Hart, puisqu'il était bien là. Mais les autorités ne purent jamais déterminer qui avait utilisé le livret de Hart pour s'engager sur le Titanic et qui, sous son nom, avait péri. Le corps de cet homme, s'il fut retrouvé, ne fut jamais identifié.

La disqualification de Craganour

Le récit de cette curieuse histoire est adapté du livre "Les secrets d'un naufrage" ("The Night Lives On") écrit par Walter Lord, et complété.

Le 4 Juin 1913, lors du Derby d'Epson, la célèbre course hippique de plat anglaise dotée alors d'un prix de 2000 guinées et comprenant 15 partants, le pur-sang bai irlandais Craganour, grand favori à 6 contre 4, franchit la ligne d'arrivée en tête après avoir couru en 3 mn et 37,6 s, devançant d'une encolure Aboyeur et Louvois puis, comme de coutume, effectua un tour de piste.
Le drapeau rouge signifiant que l'arrivée était correcte fut hissé puis fut soudain abaissé.
Personne, ni propriétaire ni jockey, ne manifesta cependant la moindre réclamation ni ne contesta cette victoire. Pourtant, alors que les bookmakers avaient commencé à payer les parieurs du gagnant, les commissaires de course, de leur propre initiative, disqualifièrent
Craganour une demi-heure plus tard, au profit d'Aboyeur coté à 100 contre 1, propriété de Alan Percy Cunliffe, monté par le jockey Edwin George Piper et arrivé second, sous prétexte qu'il l'avait bousculé dans la dernière ligne droite. Craganour fut classé dernier.
La perplexité fut générale jusqu'au moment où l'on découvrit que
Craganour était la propriété d'un certain ... B. Ismay. Renseignements pris, le cheval n'appartenait pas à Joseph Bruce Ismay, Directeur Général de la White Star Line, mais à son jeune frère Charles Bower Ismay, dont les couleurs étaient le violet cerclé de jaune pâle. Celui-ci fit appel de la décision mais trop tard, selon le règlement de l'épreuve, pour que sa réclamation fut entendue.

 


Charles Bower Ismay
 
Craganour

 


Edwin George Piper,
jockey d'
Aboyeur

 


L'arrivée du Derby d'Epsom 1913

 

En généreux propriétaire qu'il était, Charles Bower Ismay accorda cependant à William Robinson, l'entraîneur de Craganour, et aux lads, les primes qu'ils auraient perçues en cas de victoire.

Il est probable qu'il n'y ait aucun rapport entre la décision des commissaires de course et le naufrage du Titanic, à moins que ... le discrédit de l'aîné des Ismay n'ait rejailli sur toute la famille.
La disqualification de
Craganour s'explique vraisemblablement par le remplacement inopiné de son jockey habituel Danny Maher, qui avait été demandé par Lord Rosebery pour monter Prue, par un cavalier américain nommé Johnny Reiff et venu de France, mesure très mal accueillie par les parieurs.
Pourtant, dans l'opinion publique, cette "affaire" restera liée au comportement de Bruce Ismay qui, lors du naufrage, prit place dans un canot de sauvetage alors que les passagers et clients de sa compagnie ne pouvaient quitter le bord ou se débattaient dans les eaux glacées de l'océan pour sauver leur vie.

 


Johnny Reiff,
jockey de Craganour

 

Craganour fut vendu pour la somme de 30 000 livres sterling au Señor Martinez de Hoz, un Argentin qui l'emmena ainsi à l'autre bout du monde où il poursuivit une carrière d'étalon.
Sa disqualification marquera l'histoire du Derby d'Epsom:
Aboyeur devint le premier et unique cheval à remporter la course de cette manière. D'autant plus qu'au cours de la même épreuve, une suffragette nommée Emily Davison, se précipita sur la piste à Tattenham Corner, et tenta de se saisir des rênes d'Anmer, le cheval du Roi George V. Anmer trébucha et tomba en désarçonnant son jockey, Herbert Jones, qui se blessa ainsi qu'Emily.
Emily Davison décéda d'une fracture du crâne 4 jours plus tard, sans avoir repris connaissance. Sur sa pierre tombale est gravée cette inscription: "
Des actes, pas de paroles".

 


Emily Davison et la chute d'Anmer, le cheval du Roi George V

Le Titanic, cause de divorce

Le récit de cette curieuse histoire est également extrait du livre "Les secrets d'un naufrage" ("The Night Lives On") écrit par Walter Lord.

William Ernest Carter et son épouse Lucile, avaient embarqué sur le Titanic, à Southampton, comme passagers de 1ère Classe. Ce couple de riches habitants de Philadelphie rentrait d'un voyage en Europe en compagnie de ses deux enfants et de trois domestiques. "Billy" Carter ramenait aux Etats-Unis ses deux chiens ainsi que la Renault 25 CV flambant neuve qu'il avait achetée en France.
A l'exception de deux domestiques, tous survécurent au naufrage.

Après la catastrophe, on découvrit que Carter avait pris place à bord du radeau pliable C et, qu'avec Joseph Bruce Ismay, ils en étaient les seuls occupants de 1ère Classe. Les rumeurs s'amplifièrent lorsque, en Janvier 1914, Lucile Carter demanda le divorce: le bruit courait avec insistance que l'attitude de son mari, pendant la nuit du naufrage, y était pour beaucoup.
Un an plus tard, les déclarations que fit Mrs Carter devant le juge furent rendues publiques. La raison de sa séparation était, disait-elle, que son mari l'avait traitée de façon "cruelle, barbare et indigne". Elle déclara en particulier:

"Juste après la collision avec l'iceberg, mon mari est entré dans la cabine et m'a dit de me lever et de m'habiller, puis de m'occuper de mes enfants. Je ne devais pas le revoir avant 8 heures du matin. Lorsque je suis montée à bord du Carpathia, il était là, accoudé au bastingage. Il m'a seulement dit qu'on lui avait servi un copieux petit déjeuner et qu'il ne pensait pas que je m'en tirerais ...".

Billy Carter nia en bloc toutes ces accusations, affirmant qu'il avait fait monter sa femme et ses enfants dans un canot avant de sauter avec Bruce Ismay dans le radeau pliable C, où ils avaient manié les avirons. Cette version demeure sujette à caution, car le Tribunal des Naufrages a établi que le radeau pliable C a quitté le Titanic un quart d'heure avant que Mrs Carter et ses enfants ne s'éloignent à bord du canot N°.

Mrs Carter se remaria quelque mois après avec un certain George Brooke et s'éteindra en 1934. Billy Carter, joueur de polo et homme du monde, continuera à s'adonner à son sport favori et à fréquenter divers clubs jusqu'à sa mort, en 1940.

Nota:

Il semble que les relations du couple Carter s'étaient détériorées depuis plusieurs années et que la catastrophe du Titanic ne fut que le point final. Lucile Carter aurait usé du prétexte de la conduite de son mari pour mettre un terme à leur union.

A la décharge de Billy Carter, celui-ci aurait conduit femme et enfants au canot N° 4, côté bâbord, mais il reçut l'ordre de se rendre, avec d'autres hommes, côté tribord où se trouvait le radeau pliable C. De ce fait, il ne put s'assurer que le canot avait effectivement mis à la mer et, qui plus est, que ce canot n'était parti qu'après le radeau.
En revanche, à bord du
Carpathia, il ne chercha pas à savoir ce qu'il était advenu de sa famille.

 

Le R.M.S. Titanic

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