Les ecclésiastiques à bord du Titanic
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"Plus Près de Toi, Mon Dieu"
A bord du Titanic se
trouvaient huit ecclésiastiques,
de confessions différentes et
tous passagers de 2ème classe.
Dans les derniers instants du naufrage, ils aidèrent pieusement les autres passagers
à se préparer à un sort funeste.
Tous firent le sacrifice de leur vie.
Le plus jeune, Juozas Montvila, était âgé de 27 ans.
PRÉNOM(S) et NOM | AGE | PRIX DU BILLET | EMBARQUEMENT | CONFESSION |
Robert James BATEMAN | 51 | 12£ 10s 6d | Southampton | Baptiste |
Thomas Roussel Davids BYLES | 42 | 13£ | Southampton | Catholique |
Ernest Courtenay CARTER | 54 | 26£ | Southampton | Anglicane |
John HARPER | 39 | 33£ | Southampton | Baptiste |
Charles Leonard KIRKLAND | 57 | 12£ 7s | Queenstown | Presbytérienne ou Baptiste de libre arbitre |
William LAHTINEN | 35 | 26£ | Southampton | Luthérienne |
Juozas MONTVILA | 27 | 13£ | Southampton | Catholique |
Josef PERUSCHITZ | 41 | 13£ | Southampton | Catholique |
Le Révérend Robert James Bateman, 51 ans, né le 14 Octobre 1860 à Bristol, Angleterre, avait fait ses études en Angleterre et voyagé en Amérique dans sa jeunesse.
Il avait été ordonné pasteur baptiste à l'âge de 21 ans et, en 1880, avait épousé Emily Jane Hall dont il avait eu 7 enfants.
Robert Bateman avait exercé son ministère en Angleterre, au Pays de Galles, en Irlande ainsi qu'aux États-Unis. Aux États-Unis, il avait aussi travaillé comme tailleur de pierre pour son père avant de devenir directeur de la Mission Florence Crittendon à Baltimore, Maryland. A la fin des années 1890, il s'était installé à Knoxville, Tennessee, où il avait fondé le non confessionnel Tabernacle des Peuples. Il avait ensuite déménagé à Jacksonville, Floride, où il avait créé la Mission du Centre Ville combattant la pauvreté et le mal à l'âme.
Robert James Bateman
A gauche, la mission du Révérend Bateman, à Jacksonville
En 1912, après avoir effectué un voyage à Bristol pour rendre visite à sa famille et se recueillir sur la tombe de sa mère, il revenait à Jacksonville, accompagné de sa belle-soeur, Ada Ball. Le 10 Avril, jour du départ du Titanic à Southampton, il écrivit à bord une lettre à son épouse:
"Ma Chère Épouse,
Je suis maintenant sur le chemin du retour. Ada m'accompagne et je pense que mon voyage n'aura pas été vain. Dieu m'a particulièrement béni. Nous avons eu de merveilleuses réunions pour le renouveau de la foi et lorsque je suis parti, tout Staple Hill et tout Kingswood sont venus à la gare avec une fanfare pour me dire au revoir. Ce fut un moment inoubliable. Votre soeur a été merveilleusement surprise de l'amour que les gens m'ont témoigné, mais c'est ainsi. Je serai rentré dans environ douze jours. Soyez gentille de me rappeler au bon souvenir de tous les enfants et amis avec beaucoup d'amour.
Votre époux affectionné.
Robert J. Bateman".Selon Ada Ball, le Révérend présida un service de cantiques le matin du 14 Avril, puis elle le persuada d'en tenir un autre dans la soirée, près de la salle à manger de 2ème classe. "Une foule importante entra dans la salle et nous rejoignit. Personne ne pouvait s'arrêter de chanter. Il mit fin au service en appelant les passagers à se tourner vers le Christ. Le dernier cantique fut «Nearer My God To Thee»".
Au moment du naufrage, le Révérend Bateman veilla à l'installation de Ada dans le canot de sauvetage n° 10 et l'embrassa en lui disant: "Nous sommes tous dans les mains de Dieu. Si je ne vous revois pas dans ce monde, ce sera dans le prochain". Alors que le canot descendait à la mer et était proche de l'eau, il ôta sa cravate et la lança à Ada comme souvenir. Ada raconta plus tard cette scène:
"Mon beau-frère m'a obligée à monter dans le dernier canot en disant qu'il me suivrait plus tard. Je crois que j'ai été la dernière personne à quitter le navire. Il a jeté son manteau sur mes épaules au moment où l'on abaissait le canot et où nous étions proches de l'eau, puis il a pris sa cravate noire et me l'a lancée en disant «Au revoir, Dieu vous bénisse !»".Le Révérend Robert Bateman perdit la vie dans le naufrage. Il fut le seul ecclésiastique dont le corps fut retrouvé, par le navire câblier Mackay-Bennett. Il fut identifié grâce à son signalement (sexe masculin, âge estimé 50 ans, cheveux gris et moustache), à ses vêtements, et à divers objets personnels (montre en or avec chaîne, insigne de tailleur de pierre, stylo à encre, boutons de manchette en or, lunettes à monture en or, allume pipe, fume-cigare). Le 6 Mai 1912, son corps fut remis à sa veuve à Jacksonville, Floride. Il fut inhumé au cimetière Evergreen de Jacksonville le 12 Mai 1912. Le 21 Avril, une messe de souvenir avait eu lieu dans les locaux de sa mission, à Jacksonville.
Thomas Roussel Davids Byles, 42 ans, né le 26 Février 1870 à Leeds, Yorkshire, était l'aîné de 7 enfants. Son père, Alfred Holden Byles, avait été pasteur d'une église congrégationaliste à Leeds et avait vécu quelque temps aux États-Unis, à Omaha, Nebraska, puis était revenu en Angleterre.
Il avait été élève du Balliol College d'Oxford où il avait étudié les mathématiques, l'histoire moderne et la théologie. Pendant ses études, en 1894, il s'était converti au catholicisme puis avait été séminariste au St. Edmund College à Ware, Hertfordshire, jusqu'en 1899. Il était ensuite parti à Rome pour étudier la prêtrise. Ordonné prêtre le 15 Juin 1902, il avait terminé ses études à Rome et, depuis 1905, était le recteur de l'église catholique romaine St-Helen à Chipping Ongar, Essex.
Son plus jeune frère, William, s'était converti avant lui au catholicisme et était parti vivre à Brooklyn, New York. Une de ses soeurs devint missionnaire en Chine.
Dans une lettre écrite le 14 Septembre 1897, il évoquait ainsi sa vocation mais aussi sa santé fragile: "J'espère entrer dans un Ordre Religieux au début de l'année prochaine, mais je veux attendre un peu, d'une part parce que je n'ai pas encore trouvé à quel Ordre je conviendrai le mieux, et d'autre part parce que mon médecin me dit qu'en Février prochain, si je n'ai pas de rechute, je pourrai me considérer comme guéri de mes convulsions, et jusqu'à la guérison il sera probablement difficile de trouver un Ordre qui veuille m'accepter".
Thomas Roussel Davids Byles
A Brooklyn, William Byles s'était épris de Katherine Russel et, lorsqu'ils avaient décidé de s'épouser, William avait demandé à son frère de célébrer leur mariage prévu le Dimanche 21 Avril 1912. La traversée transatlantique du Père Byles, initialement décidée sur un autre paquebot de la White Star Line, fut modifiée au dernier moment pour un embarquement sur le Titanic à Southampton.
Lorsque le Titanic jeta l'ancre à Cherbourg, le soir du 10 Avril 1912, le Père Byles adressa une lettre à sa gouvernante, Miss Field, restée à sa paroisse de Chipping Ongar. Dans cette lettre qui fut postée le lendemain, à l'escale de Queenstown, il fait une description du navire et du voyage de Southampton à Cherbourg. Il trouve que la vibration du navire est désagréable mais dit que, bien que la mer semblait agitée, cela n'avait pas d'incidence sur le navire lui-même. Il indique aussi avoir rencontré deux autres prêtres en 2ème classe, un bénédictin de Bavière (Josef Peruschitz) et un séculier de Lituanie (Juozas Montvila).
Le matin du 14 Avril, le Père Byles célébra une messe catholique avec les passagers de 2ème classe dans leur salle à manger, puis alla célébrer une seconde messe avec les passagers de 3ème classe pour lesquels il prononça un sermon en anglais et en français, et le Père Peruschitz poursuivit avec un sermon en allemand en en hongrois. Selon un article paru dans The Evening World, les deux prêtres prêchèrent "la nécessité d'avoir à portée de main un canot en forme de réconfort religieux en cas de naufrage spirituel".
Après la collision avec l'iceberg, selon de nombreux témoignages, le Père Byles fut un héros jusqu'à la fin, aidant les passagers de 3ème classe à monter les escaliers jusqu'au pont des embarcations et à monter dans les canots de sauvetage, écoutant les confessions et priant avec ceux qui n'avaient pu s'échapper lorsque tous les canots avaient pris la mer. Plus d'un centaine de passagers, rassemblés à l'extrémité arrière du pont des embarcations, reçurent ainsi son aide. Certains journaux relatèrent que, par deux fois, un membre d'équipage tenta de le convaincre de prendre place dans un canot, mais qu'il refusa.
Dans son édition du 22 Avril 1912, The Evening World relata le témoignage de trois jeunes irlandaises rescapées, dont Bertha Moran, concernant le Père Byles:
"«Soyez calmes, mes bonnes gens», dit-il, puis il se dirigea vers les passagers de 3ème classe pour leur donner l'absolution et sa bénédiction. Quelques uns d'entre nous devinrent très agités. Lorsque le prêtre leva encore la main, nous redevînmes à nouveau calmes. Les passagers furent immédiatement impressionnés par l'absolue maîtrise de soi du prêtre. Il commença à réciter le rosaire. Les prières de tous, sans se soucier de la foi, se mélangèrent. Poursuivant les prières, il nous conduisit jusqu'où les canots allaient être descendus. Pour aider les femmes et les enfants, il leur murmura des paroles de réconfort et d'encouragement".Le Père Thomas Roussel Davids Byles perdit la vie dans le naufrage. Son corps, s'il fut retrouvé, ne fut jamais identifié.
Aux derniers instants du
naufrage, le Père Thomas Byles prie
pour le salut de l'âme des passagers qui n'ont pu s'échapper
A Brooklyn, William Byles et Katherine Russel ne reportèrent pas leur mariage. Un autre prêtre célébra la cérémonie. Un journal de Brooklyn relata que les fiancés rentrèrent chez eux après leur mariage, revêtirent des habits de deuil et retournèrent à l'église pour une messe de souvenir. Le couple partit ensuite passer une courte lune de miel dans le New Jersey.
Dans l'église St-Helen de Chipping Ongar, les frères du Père Byles firent installer une porte dédiée à sa mémoire. Il s'y trouve aussi trois vitraux qui lui sont dédiés et qui représentent St. Patrick, le Bon Pasteur, et St. Thomas d'Aquin. Dans l'un angle inférieur de l'un d'euxl, on peut lire: "Priez pour le Rév. Thomas Byles, recteur de cette mission pendant 8 ans, dont la mort héroïque dans la catastrophe du Titanic, le 15 Avril 1912, en consacrant avec ferveur ses derniers instants à réconforter religieusement ses compagnons de voyage, est commémorée par ce vitrail".
Vitraux à la mémoire du Père Thomas Byles, dans l'église St-Helen de Chipping Ongar, Essex
Ernest Courtenay Carter, 54 ans, né le 17 Février 1858 à Compton, Berkshire, avait d'abord été instituteur puis, en 1888, était entré dans les ordres en devenant diacre puis vicaire de Christ Church, Mayfair, Londres. En 1889, il était devenu pasteur anglican à l'âge de 31 ans. Il avait ensuite été le vicaire de Chieveley, Berkshire, puis de St. Jude, dans le quartier de Whitechapel, à l'est de Londres. Selon un article de Oxford Magazine, paru le 2 Mai 1912, "Carter ne pouvait pas être considéré comme un prêcheur exceptionnel", mais la caractéristique de son travail était "un optimisme sans limites". En 1890, il avait épousé Lilian Hugues avec laquelle il voyageait à bord du Titanic en ayant embarqué à Southampton.
L'église Ste. Marie de Chieveley, Berkshire,
où Ernest Courtenay Carter fut vicaire
Pendant la traversée transatlantique, le Père Carter attrapa un rhume et Marion Wright, passagère de 2ème classe, avec laquelle le couple avait sympathisé, lui trouva un médicament pour le soulager.
Le soir du 14 Avril 1912, le Révérend Carter présida un service de cantiques auquel assista une centaine de passagers dans la salle à manger de 2ème classe. Avant chaque cantique, il indiqua quelle était son histoire ainsi que son auteur. Le passager Douglas Norman fit l'accompagnement au piano et Marion Wright chanta en solo "Lead Kindly Light" ("Montre-Nous la Lumière"), cantique pour lequel le Révérend expliqua qu'il avait été composé à l'occasion d'un naufrage dans l'Atlantique. Parmi les autres hymnes, furent chantés "Eternal Father, Strong to Save" ("Père Éternel, Sauveur Tout Puissant") avec son refrain "For Those in Peril on the Sea" 'Pour Ceux en Péril en Mer"), "On the Resurrection Morning" ("Le Matin de la Résurrection"), "There is a Green Hill Far Away" ("Au Loin se Dresse une Verte Colline") que Marion Wright chanta aussi en solo, et le cantique final qui fut "Now the Day is Over" ("Maintenant le Jour est Fini").
Vers 22 heures, un steward commença à débarrasser les cafés et les rafraîchissements et le Révérend Carter leva la séance en remerciant le Commissaire de Bord pour avoir mis la salle à la disposition des fidèles. Il déclara que le navire était exceptionnellement sûr et que tout le monde attendait avec impatience leur arrivée à New York, et il ajouta: "C'est la première fois que l'on chante des cantiques sur ce navire un dimanche soir, et nous espérons que ce ne sera pas la dernière".Au moment du naufrage, et selon des témoins, Ernest et Lilian Carter se virent proposer deux places dans un canot de sauvetage mais ils refusèrent, exhortant d'autres personnes à en bénéficier.
Le Révérend Carter et son épouse disparurent dans la catastrophe. Leurs corps, s'ils furent retrouvés, ne furent jamais identifiés.
Le Révérend John Harper, 39 ans, né le 29 Mai 1872 à Houston, Renfrewshire, Écosse, était pasteur baptiste. Sa passion pour le salut des autres était devenue la mission principale de son ministère. En 1896, il avait fondé sa propre église à Glasgow, la Harper Memorial Baptist Church, et sa congrégation s'était considérablement accrue durant les 13 années suivantes. Pendant cette période, il s'était marié mais son épouse était décédée peu après la naissance de leur fille, Annie Jessie qu'il appelait "Nina".
En Avril 1912, John Harper voyageait de Londres à Chicago, Illinois, avec sa fille Nina, 6 ans, et sa belle-soeur, Jessie Leitch. Ils embarquèrent sur le Titanic à Southampton.
A Chicago, il devait commencer une série de réunions pour le renouveau de la foi à la Memorial Moody Church située à Chicago Ouest et La Salle Avenue. Il y avait précédemment tenu des réunions en Novembre, Décembre et Janvier 1911-1912 et son succès avait été tel qu'on lui avait demandé d'en faire une seconde série.
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John Harper |
John Harper, sa fille
Nina, et Jessie Leitch |
Comme en témoigna Jessie Leitch après le naufrage, le Révérend Harper ne cessa d'exercer sa mission pastorale tout au long de la traversée:
"Le dernier jour que nous avons passé sur le Titanic était un dimanche. Mr. Harper m'a demandé de lire le chapitre lors de nos prières familiales du matin et, plus tard, nous sommes allés assister au service religieux du dimanche matin. La journée s'est déroulée calmement et agréablement et lorsque, vers 18 heures, Nina et moi sommes allées retrouver Mr. Harper pour le dîner, je l'ai trouvé en train de parler avec conviction à un jeune anglais qu'il cherchait à conduire vers le Christ."Le soir du 14 Avril 1912, le Révérend Harper et Jessie Leitch se tenaient sur le pont du Titanic et admiraient le coucher du soleil. "Il fera beau demain matin", remarqua John Harper avait de se retirer pour la nuit. Après la collision, Harper réveilla sa fille, la prit dans ses bras et l'enroula dans une couverture avant de monter sur le pont A. Là, il l'embrassa en lui disant au revoir et la tendit à un homme d'équipage qui la plaça dans le canot n° 11 en compagnie de Jessie Leitch.
Le Révérend Harper disparut dans le naufrage et son corps, s'il fut retrouvé, ne fut jamais identifié.Des rescapés racontèrent avoir vu le Révérend nager dans les eaux froides. Un jeune homme témoigna qu'un étranger avait nagé vers lui et lui avait demandé: "Etes-vous sauvé ?". A la réponse "Non", l'étranger lui avait lancé son gilet de sauvetage et dit: "Voilà, vous en avez plus besoin que moi", puis il avait repris sa nage vers d'autres personnes mais, en raison du froid intense, il avait eu de plus en plus de mal à nager. On dit que ses dernières paroles avaient été: "Croyez en le Nom de Jésus, Notre Seigneur, et vous serez sauvés".
Après le désastre, un rescapé anonyme écrivit à propos de l'étranger qui l'avait exhorté à invoquer le Christ pour le salut de son âme: "Aussitôt et dans mon désespoir, avec trois mille mètres d'eau sous moi, j'ai crié au Christ de me sauver". Parmi les 1490 personnes qui durent affronter directement les flots cette nuit-là, seules 6 furent sauvées. L'une d'elles fut ce jeune homme.
Le survivant affirma plus tard que l'étranger qui avait prié pour le bien éternel des autres était le Révérend John Harper, Ange de Miséricorde du Titanic.Une photographie bien connue, prise sur le promenade de 2ème classe et où l'on voit une fillette donnant la main à son père, montre probablement la petite Nina Harper et son père.
Sur la promenade de 2ème Classe, John Harper tient sa fille Nina par la main
Charles Leonard Kirkland, 57 ans, a longtemps été considéré comme étant un pasteur presbytérien de Glasgow, Écosse. Il semble cependant que de récentes recherches révèlent qu'il était plutôt un pasteur baptiste de libre arbitre et un évangéliste.
Né au New Brunswick, Canada, dans une famille presbytérienne écossaise, il avait d'abord exercé le métier de charpentier, puis avait rejoint le mouvement baptiste de libre arbitre qui prospérait à l'époque dans la région. Son talent de pasteur semble avoir été remarquable car sa présence était réclamée dans les églises à travers le Maine et le New Brunswick. Sa dernière résidence semble avoir été dans le Maine.
Charles Leonard Kirkland
En 1912, alors qu'il était très atteint par les décès successifs de son épouse et de plusieurs de leurs enfants et petits-enfants, il s'était rendu en Écosse pour régler des affaires familiales. Pour sa traversée de retour à bord du Titanic, il était accompagné de Frank Hubert Maybery, un ami de Tuxford, Saskatchewan, Canada, dont il avait fait la connaissance au cours de ses prêches. Leur destination commune était Tuxford où Kirkland allait rejoindre sa soeur. Maybery embarqua au départ de Southampton et fut rejoint par Kirkland à l'escale de Queenstown.
Comme son compagnon de voyage, le Révérend Kirkland disparut dans la catastrophe. Leurs corps, s'il furent retrouvés, ne furent jamais identifiés.
William Lahtinen, 35 ans, né le 23 Avril 1876 à Viitassari, Finlande, était devenu citoyen américain. Selon des registres paroissiaux, il était le pasteur de l'église luthérienne apostolique de Cokato, Minnesota, dès 1905. Un article paru le 25 Avril 1912 dans le journal Cokato Enterprise le cite comme étant le pasteur finlandais le plus connu en Amérique.
Il avait épousé Anna Amelia Sylfven, 26 ans, qui était née en Amérique où ses parents avaient émigré de Finlande, et le couple faisait construire une maison à Minneapolis, Minnesota. En 1912, William et Anna Lahtinen étaient revenus en Finlande pour aider une parente, Lyyli Karoliina Sylfven, 18 ans, qui souhaitait émigrer en Amérique.
Leur voyage de retour à Minneapolis, en compagnie de Lyyli, avait été prévu plus tôt sur un autre navire mais avait été différé sur le Titanic en raison du décès tragique de la fille du couple pendant son séjour en Finlande. Ils embarquèrent à Southampton.
William Lahtinen
Après la collision avec l'iceberg, Anna Lahtinen prit place dans un canot de sauvetage mais décida ensuite de rester avec son mari.
Seule Lyyli Sylfven embarqua dans un canot en fut sauvée. Elle raconta plus tard que Anna semblait très nerveuse tandis que William fumait tranquillement un cigare.
William et Anna Lahtinen disparurent dans le naufrage. Leurs corps, s'ils furent retrouvés, ne furent jamais identifiés.
Juozas Montvila, 27 ans, né le 3 Janvier 1885 à Gudine, Lituanie, à l'époque où la Lituanie sous le contrôle de la Russie, avait été ordonné prêtre catholique le 22 Mars 1908 et affecté comme vicaire à Lipskas où il administrait en secret les besoins spirituels des Uniates, une fraction religieuse proscrite par le régime tsariste. Le résultat de son service avait été son arrestation par le gouvernement russe et sa condamnation. Il était sur le point de perdre sa mission de vicaire et de renoncer à sa vocation pastorale. Dans l'attente d'un changement de cette règle sévère, il travaillait pour le journal catholique de Seinai et écrivait des sermons pour la publication Vadovas. Récompensé en tant qu'artiste, il dessinait des illustrations et des vignettes pour différents journaux et livres publiés à Vilnius, aujourd'hui capitale de la Lituanie. Le temps passant et ne pouvant reprendre un travail pastoral en Lituanie dans un futur proche, il s'était décidé à émigrer aux États-Unis où son frère, Petras, vivait déjà. Après un séjour en Angleterre, il embarqua sur le Titanic à Southampton pour rejoindre l'Amérique.
Juozas Montvila
Les projets du Père Juozas Montvila, après son arrivée en Amérique, sont confus. Selon un ami de sa soeur qui vivait dans le quartier lituanien de Brooklyn, Montvila devait prendre la tête d'une paroisse dans cette communauté grandissante. Cependant, les journaux Jackson News (Mississipi) et Worcester Evening Gazette (Massachusetts) déclarèrent tous les deux qu'il se rendait à Worcester. A l'appui de cette seconde théorie, l'Encyclopedia Lituanica indique que Montvila avait été invité à devenir le prêtre de la nouvelle paroisse lituanienne St. Francis à Athol, ville du comté de Worcester, Massachusetts.
Après la collision du Titanic avec l'iceberg, selon des témoignages, "le jeune prêtre lituanien, Juozas Montvila, effectua sa mission jusqu'à la toute fin" en refusant une place dans l'un des canots de sauvetage, choisissant d'administrer ses services sacerdotaux et d'offrir le réconfort à ses compagnons de traversée.
Juozas Montvila perdit la vie dans le naufrage. Son corps, s'il fut retrouvé, ne fut jamais identifié.
Il est considéré comme un héros en Lituanie et l'Église Catholique Romaine envisage de le canoniser.
Josef Peruschitz, 41 ans, de son vrai prénom Benedikt, né le 21 Mars 1871 à Straßlach-Dingharting, Bavière, Allemagne, avait été étudiant à Scheyern de 1882 à 1886 puis, de 1886 à 1890, à la Royal High School de Freising. Au séminaire catholique, il avait étudié la philosophie en 1890-1891, puis la théologie jusqu'en 1894, année où il avait été admis au monastère de Scheyern. Là, il avait enseigné les mathématiques, la musique et l'éducation physique. Le 14 Août 1894, il était devenu le Père Josef. Le 28 Avril 1895, il avait été ordonné par l'Archevêque de Munich-Freising, Antonious von Thoma, à l'église de Scheyern et était devenu moine le 24 Août 1895.
En 1912, le Père Josef avait passé la Semaine Sainte au monastère bénédictin St. Augustin à Ramsgate, Kent, Angleterre, avant de faire route vers le Minnesota pour être employé à l'école primaire bénédictine de la Congrégation Suisse. Il devait apparemment la diriger. Il embarqua sur le Titanic à Southampton.
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Josef Peruschitz |
Le matin du 14 Avril 1912, à bord du Titanic, le Père Peruschitz s'associa au Père Byles pour l'office catholique destiné aux passagers de 3ème classe et prononça un sermon en allemand en en hongrois.
Lors du naufrage, il resta auprès des passagers jusqu'à la fin et refusa la place qu'on lui offrait dans un canot de sauvetage.
Joseph Peruschitz, qui fut le seul moine à bord du Titanic, périt dans la catastrophe et son corps, s'il fut retrouvé, ne fut jamais identifié.
Une plaque en sa mémoire fut apposée dans le cloître du monastère de Scheyern avec cette inscription: "Puisse Josef Peruschitz reposer en paix, lui qui s'est pieusement sacrifié sur le Titanic".
Le monastère de Scheyern en 1644 et de nos jours
Plaque à la mémoire de Josef Peruschitz
Témoignages de rescapés
Lawrence Beesley, rescapé de 2ème classe, fit les observations suivantes sur des passagers se trouvant dans la Bibliothèque de 2ème classe:
"Au milieu de la pièce, se trouvaient deux prêtres catholiques, l'un lisant tranquillement soit de l'anglais soit de l'irlandais, probablement ce dernier, tandis que l'autre, brun, barbu, avec un chapeau à large bord, parlait avec ferveur en allemand à un ami et lui expliquait manifestement un verset de la Bible ouverte devant lui".Dans le magazine catholique America, un témoin oculaire fit état de la conduite des prêtres au moment où le Titanic sombrait:
"Lorsque toute l'agitation tourna à l'épouvante, tous les catholiques à bord souhaitèrent l'assistance de prêtres avec la plus grande ferveur. Deux prêtres incitèrent ceux qui étaient condamnés à mourir à prononcer des actes de contrition et à se préparer à la rencontre de Dieu. Ils récitèrent le rosaire et les autres répondirent. Le bruit fait par les récitants irrita quelques passagers et certains ridiculisèrent ceux qui priaient et commencèrent à faire une ronde autour d'eux. Les deux prêtres ne cessèrent pas, donnant l'absolution collective à ceux qui allaient mourir. Ceux qui prirent place dans des canots furent consolés par des paroles émouvantes. Quelques femmes refusèrent d'être séparées de leur mari, préférant mourir avec eux. Finalement, lorsqu'il n'y eut plus de femmes à proximité, quelques hommes furent admis dans les canots. On offrit une place au Père Peruschitz, mais il refusa".