La station radio du Titanic

 

"C'est le nouveau signal et ça pourrait être ta dernière chance de l'envoyer".

L'Opérateur radio adjoint Harold Bride à Jack Phillips

 

La radiotélégraphie était l'unique moyen de communication en temps réel des passagers et de l'équipage du Titanic avec le monde extérieur.

C'est pourquoi cette page est consacrée à l'activité de radiotélégraphie à bord du navire, qui joua un rôle essentiel au cours des dernières heures et des derniers instants du navire.

Elle s'efforce de décrire au mieux l'installation, de présenter les opérateurs et leurs conditions de travail, le trafic radio et les appels de détresse qu'ils envoyèrent, ainsi que leur sort dans le naufrage.

Pour les visiteurs qui auraient des précisions à apporter, leurs remarques seront les bienvenues …

 

Les thèmes ...

La télégraphie en 1912
L'emplacement de la station radio
L'installation de radiotélégraphie
Les opérateurs radio
Les périodes de garde des opérateurs
L'indicatif radio du Titanic
Le trafic radio
CQD et SOS
L'heure à bord du Titanic
Les avis de glace reçus par le Titanic
Les appels de détresse du Titanic
Le sort des opérateurs

 

Le Commandant Smith ordonne
l'envoi du signal de détresse

 

 

 

La télégraphie en 1912

Le 24 Mai 1844, l'américain Samuel Morse (1791-1872), inventeur du télégraphe électrique en 1832, effectue le 1er envoi de message télégraphique entre villes.
Cette liaison est effectuée en utilisant le code alphabétique, dit "morse", qu'il a mis au point en 1837 et qui sera désormais adopté pour les transmissions.

Plus d'un demi siècle plus tard, en 1901, le physicien italien Guglielmo Marconi (1874-1937), inventeur de la télégraphie sans fil, réalise la 1ère liaison télégraphique transatlantique. En 1909, il obtient le prix Nobel de physique pour l'ensemble de ses travaux.

C'est l'avènement des transmissions télégraphiques que l'on appelle aussi "télégraphie sans fil" (T.S.F.) ou "radiotélégraphie".

En 1899, le cuirassé russe General Admiral Apraxine, bloqué dans les glaces du golfe de Finlande, est le premier navire à être secouru grâce aux appels de sa T.S.F.

Le premier navire marchand à être équipé de T.S.F. est le transatlantique Kaiser Wilhelm der Grosse, en 1900. En 1903, 40 navires en sont équipés et 139 en 1907.

Pourtant, en 1912, la télégraphie sans fil à bord des navires est toujours une nouveauté et dans cette toute jeune industrie radio maritime, la Compagnie Marconi occupe une place prépondérante.
Parmi les 23217 navires enregistrés et en service en 1912, environ 1000, dont 400 britanniques, sont équipés de radio et naviguent sur les lignes de l'Atlantique Nord.

Le système de Marconi n'est pas le seul utilisé sur les mers: il existe 3 autres procédés brevetés et rivaux, Telefunken, Lee de Forest et United Wireless. Cette concurrence entre les procédés et les 15 compagnies exploitantes est telle que les opérateurs radio ont pour instruction de ne pas traiter ou relayer les messages concernant les compagnies rivales.

A bord des navires, l'utilisation de la télégraphie manque encore de règles d'utilisation: les opérateurs radio ne sont pas tenus à une veille permanente, passent leur temps à envoyer les messages personnels des passagers, ou s'amusent à perturber les transmissions des radios rivales; tout ceci sans, bien sûr, en mesurer les conséquences éventuelles …

Jusqu'au naufrage du Titanic, peu de personnes avaient donc pris conscience de l'importance de la radio pour la sécurité en mer.

L'emplacement de la station radio

La station de radiotélégraphie Marconi, à laquelle étaient affectés 2 opérateurs, était située sur le pont des embarcations, à l'arrière de la superstructure comprenant la passerelle de commandement et le quartier des officiers, et devant la machinerie d'ascenseur.

 


Coupe partielle du Titanic
L'emplacement de la station radio est encadré de rouge

 

Elle se trouvait à environ 12 m en arrière de la passerelle avec laquelle elle communiquait par le couloir qui desservait le côté bâbord du quartier des officiers.
Sur l'Olympic, la station radio était située sur le côté bâbord de la passerelle de navigation et possédait un éclairage extérieur. Après la construction de l'Olympic, il fut décidé pour le Titanic de libérer des ouvertures donnant sur l'extérieur au profit de cabines de 1
ère Classe, d'où l'emplacement différent de sa station radio.

La station se composait de 3 petites pièces contiguës et communicantes, et constituait une sorte de petit appartement.

 


Schéma de l'avant du pont des embarcations
montrant l'emplacement de la station radio

 

On trouvait successivement, de bâbord vers tribord:

Les opérateurs partageaient avec les officiers toilettes et salle de bains situées en face, dans le couloir.
Ils disposaient, en outre, d'un petit salon situé au milieu du pont C, commun avec les 5 préposés postaux, mais leur importante charge de travail ne leur permit sans doute pas de s'y détendre.

L'installation de radiotélégraphie

Comme l'Olympic, le Titanic possédait une installation de type Marconi la plus moderne et la plus puissante en service à l'époque sur tous les navires marchands.

Le "matériel sans fil" n'était pas la propriété de Marconi Wireless Telegraph Co Ltd, mais de la White Star Line.

1. Dans la "salle sourde" située vers bâbord, communicant par une porte avec la salle radio, était situé l'émetteur principal.

Cet émetteur était du type Marconi rotatif à étincelle, d'une puissance de 5 kW.
Son alimentation était constituée d'un alternateur produisant une tension de 300 V à 60 Hz, couplé à un moteur de puissance équivalente et lui-même alimenté sous 100 V continus par le circuit d'éclairage du navire. Il bénéficiait d'innovations toutes récentes qui avaient permis de porter sa puissance de 1,5 à 5 kW.

L'émetteur était relié, au moyen de fils, au manipulateur morse situé dans la salle radio.

L'émetteur se trouvait ainsi isolé du récepteur à détection magnétique situé dans la salle radio, afin de réduire les interférences et faire en sorte que le bruit des étincelles ne dérange personne.

La fréquence normale utilisée était voisine de 500 kHz, correspondant à une longueur d'onde de 600 m. Grâce à des condensateurs reliés en parallèle ou en série, la fréquence pouvait aussi être commutée de 500 kHz à 1 Mhz, correspondant à une longueur d'onde de 300 m.

Le dispositif de secours comprenait une bobine à induction de 25 cm capable de fonctionner continûment pendant au moins 6 heures, 8 accumulateurs maintenus chargés grâce à l'alimentation principale du navire, un manipulateur séparé et un récepteur séparé à lampe. (Une antenne de secours, stockée dans les ponts inférieurs pouvait en outre être érigée et utilisée en cas de perte ou d'endommagement de l'antenne principale).

 

2. Dans la salle radio (salle Marconi), se trouvait la table de travail des opérateurs ainsi que les équipements et documents suivants:

 


Harold Bride à son poste de travail dans la salle radio du Titanic.

On distingue très bien, à droite, le tube pneumatique avec, au-dessous, la corbeille
dans laquelle tombait la cartouche contenant le message à envoyer.
Cette vue, doublement exposée, est l'unique photographie jamais prise de la salle radio du navire.
Elle est due au pasteur Frank Browne, passager de 1
ère classe de Southampton à Queenstown,
qui réussit à la prendre malgré l'interdiction de pénétrer dans la salle.

 


La salle radio de l'Olympic

 

La salle radio était reliée au central téléphonique de 50 lignes du navire. Cependant, il n'existait pas de liaison téléphonique directe avec la passerelle.

Ce problème fut résolu sur les sister ships Olympic et Britannic après la catastrophe du Titanic: un tube acoustique fut installé pour relier la salle radio et la passerelle.

 


La salle radio dans le film de James Cameron

 

L'installation radio du Titanic était dotée d'un système d'antenne de type T, composé de 4 éléments fonctionnant simultanément afin d'accroître la capacité totale de transmission, comme l'avait démontré Guglielmo Marconi lors de ses expérimentations.

Ce dispositif était utilisé à la fois pour émettre et pour recevoir. Il comprenait 4 câbles d'antenne aériens en bronze au silicium suspendus quasiment horizontalement entre les deux mâts du navire, hauts de 61 m et distants de 183 m. Leur tension était calculée de manière à les maintenir à au moins 15 m au-dessus des cheminées, afin de les dégager des fumées et des gaz d'échappement.
La hauteur moyenne des câbles était de 52 m. Leur maintien horizontal était assuré par 2 écarteurs de 6 m d'envergure fixés aux mâts grâce à des suspentes. A l'une des extrémités, les suspentes étaient souples de manière à absorber les chocs et éviter que les câbles soient endommagés.
Les 2 câbles intérieurs étaient distants de 2,40 m et les 2 câbles extérieurs distants de 1,80 m des câbles intérieurs.
Chacun des 4 câbles d'antenne était relié en son centre à un câble de liaison qui aboutissait sur le toit de la "salle sourde" de la station radio et assurait la connexion avec celle-ci.

 


Schéma montrant le système d'antenne à 4 câbles

 


Cette photographie permet de voir distinctement le système d'antenne

 

L'émetteur Marconi de 5 kW avait une portée garantie de 250 milles (400 km) en toutes conditions atmosphériques mais, en pratique, les signaux émis pouvaient être couramment captés jusqu'à une distance 400 milles (650 km) et, de nuit, jusqu'à 2000 milles (3200 km).
Lors des essais qu'ils firent avant le départ de Southampton, Phillips et Bride échangèrent des messages avec les stations côtières de Tenerife (distante de 2000 milles, soit 3200 km) et même de Port-Saïd (distante de plus de 3000 milles, soit 4800 km).

Le lien ci-après vous permet de consulter le schéma électrique de l'installation.

On appelait "marconigramme" un message issu d'une station radio Marconi.

 


Un marconigramme type

Les opérateurs radio

La White Star Line avait choisi d'assurer une écoute permanente sur le Titanic, et 2 opérateurs étaient affectés à l'installation radio.

A cette époque, les opérateurs radio étaient aussi appelés opérateurs sans fil ou télégraphistes.

Le 1er opérateur, qui était le responsable, était John George ("Jack") Phillips, 25 ans, et le 2ème opérateur, son adjoint, Harold Sydney Bride, 22 ans.

Jack Phillips avait fêté son 25ème anniversaire le 11 Avril 1912, le lendemain du départ de Southampton.

Jack Phillips et Harold Bride étaient employés par la Marconi Wireless Telegraph Co Ltd et non par la White Star Line. Ils n'avaient donc pas le statut d'officiers mais rendaient compte au Commandant et aux Officiers du navire. Ils ne figuraient pas sur la liste de l'équipage de pont mais se trouvaient, cependant, sur celle du département Avitaillement, comme les Stewards et les Chefs Pâtissiers. Ils portaient néanmoins le même type d'uniforme que les Officiers mais étaient reconnaissables à l'emblème Marconi figurant sur leurs boutons, leurs manches et leur casquettes.
Un accord, conclu entre Marconi et la White Star Line, prévoyait que celle-ci disposait de communications radiotélégraphiques gratuites, entre le navire et ses propriétaires ou d'autres navires, à condition que les messages ne dépassent pas une moyenne de 30 mots par jour, les mots supplémentaires étant facturés à l'armement demi-tarif. En contrepartie, la White Star Line assurait les repas et l'hébergement des opérateurs de Marconi.

 

Les opérateurs radio Jack Phillips et Harold Bride

 

Les opérateurs sans fil employés par Marconi devaient "être âgés entre 21 et 25 ans et capables d'envoyer et recevoir en morse 25 mots par minute". La limitation d'âge était rarement respectée et plupart des opérateurs commençaient leur carrière maritime à l'âge de 19 ou 20 ans. Après avoir passé leur examen d'entrée dans la fonction publique, les opérateurs devaient terminer leur formation à la Marconi Training School de Liverpool. Après 5 mois de formation finale, ils étaient prêts à être affectés sur un navire. En 1912, Jack Phillips, avec 6 ans d'expérience, était capable de taper à une vitesse de 39 mots par minute (c'est pourquoi il avait été surnommé "Sparks", c'est à dire "Etincelles"), et Harold Bride, 26 mots.

Jack Phillips et Harold Bride, conscients de l'importance de leur travail sur un navire aussi prestigieux, n'auraient pas donné leur place pour un empire et étaient trop heureux qu'on leur ait confié, à leur âge, un poste aussi important, malgré leurs conditions de vie et de travail difficiles à bord.
Pendant la traversée, ils assuraient eux-mêmes l'entretien de leur matériel. Par exemple, le 12 Avril 1912 en fin de soirée, la radio tomba en panne et ils durent la réparer pendant la nuit.

Le trafic radio sera si intense que leur travail deviendra harassant.

Tous deux gagnaient peu par rapport à la quantité de travail qui leur était demandée.

Selon son témoignage, Harold Bride recevait de son employeur Marconi un salaire mensuel de 4 £ et aurait dû recevoir 2 £ 5 s de la White Star Line.

Jack Phillips avait un salaire mensuel de 6 £ payé par Marconi, et aurait dû aussi recevoir de la part de la White Star Line la même somme que Harold Bride.

Leurs collègues des stations relais ou ferroviaires étaient encore moins favorisés et M. Marconi lui-même faisait remarquer que "le salaire est meilleur et sortir en mer est très attrayant pour des jeunes gens".

Les périodes de garde des opérateurs

Le 10 Avril 1912, jour du départ de Southampton, Jack Phillips et Harold Bride s'étaient levés très tôt: ils dirigeaient les essais finaux du matériel.
Tout était en ordre.

D'un commun accord, ils avaient arrangé leurs tours de garde de nuit: Phillips, le chef opérateur, prit la garde de 20 h 00 à 2 h 00, tandis que Bride, son adjoint, serait en service de 2 h 00 à 8 h 00.

Pendant la journée, ils n'avaient pas fixé d'heures de garde: les deux hommes devaient se relayer par convenance mutuelle, tout en assurant une garde continue.

L'indicatif radio du Titanic

En Janvier 1912, le Titanic se vit attribuer l'indicatif MUC. Mais quelque temps après, l'indicatif fut changé en MGY (Mike Golf Yankee), car on s'aperçut que MUC était celui précédemment attribué au vaisseau US Yale.

L'Olympic, sister ship du Titanic, s'était vu attribuer l'indicatif MKC.

En tant que principale compagnie radio de l'époque, Marconi attribuait ses propres indicatifs dont la plupart commençaient par la lettre M (identifiant un installation Marconi), sans se soucier de la localisation de l'installation ou du pays d'enregistrement du navire qui en était équipé.

L'attribution de l'indicatif fut finalement standardisée à la Conférence Radiotélégraphique de Londres en 1912 (après le naufrage du Titanic), avec des préfixes alloués et une base internationale.

Les stations côtières UK et, dès lors, les navires utilisèrent les lettres G et M comme 1ère lettre de leur indicatif. Les navires US utilisèrent les lettres K, N et W, les stations allemandes et les navires allemands la lettre D, les Italiens le I, les Français le F, etc …

Le trafic radio

Sur le Titanic, comme sur les grands transatlantiques de l'époque, les messages radio étaient très populaires parmi les passagers et considérés comme une aide importante offerte par la navigation.

Nombreux étaient donc les richissimes particuliers, personnes célèbres de la haute finance et de la politique, qui entendaient recevoir et transmettre depuis l'océan des messages privés ou professionnels comme ils l'auraient fait depuis leur bureau de Londres ou de New York.

Pour envoyer leurs marconigrammes, ils portaient (ou faisaient porter) leurs télégrammes manuscrits au Bureau des renseignements situé sur le pont C, à côté de celui du Commissaire de bord.

Ces messages manuscrits étaient acquittés au tarif de 12 shillings et 6 pence pour les 10 premiers mots et 9 pence pour chaque mot supplémentaire (une somme substantielle en 1912, sauf pour un passager de 1ère classe …). L'adresse et la signature étaient expédiées gratuitement.

Les télégrammes étaient ensuite envoyés par tube pneumatique du Bureau du Commissaire de bord à la salle radio, où les opérateurs exécutaient la transmission en utilisant le code radio attribué au Titanic pour le trafic personnel des passagers: "ADVISELUM".

A la fin de la journée, le secrétaire du Commissaire de bord et les opérateurs effectuaient un équilibrage entre le livre de comptes des opérateurs et le nombre de mots facturés envoyés.

Quant aux messages reçus pour les passagers, ils étaient saisis à la main par l'opérateur de service et tapés sur un formulaire par l'autre opérateur.

Ces messages étaient ensuite envoyés de la salle radio au Bureau du Commissaire de bord par un 2ème tube pneumatique. Un groom les portait alors à leurs destinataires.

Durant les 4 jours ½ entre le départ de Southampton et la collision avec l'iceberg, les opérateurs radio du Titanic reçurent et envoyèrent environ 250 marconigrammes concernant les passagers, ce qui explique leur surcharge de travail..

Les messages reçus relatifs à la navigation étaient délivrés directement à la passerelle. Ceux destinés au Commandant étaient délivrés par l'opérateur à la cabine du Commandant, en empruntant le couloir tribord du quartier des officiers.
Les opérateurs radio avaient à leur disposition un diagramme de communications ("Communication chart") qui leur indiquait les postes terrestres et les navires avec lesquels le Titanic pouvait entrer en communication durant la traversée.

 


Diagramme de communications

 

L'utilisation des messages radio, en particulier des messages personnels, manquait, à l'évidence de règles en 1912.

CQD et SOS

Depuis le début des communications T.S.F., le code CQ, adopté par la Compagnie Marconi, était le signal signifiant aux navires le recevant, qu'ils devaient arrêter leurs transmissions et faire attention.

Cependant, en Janvier 1904, il fut admis que "L'appel CQ, satisfaisant dans les cas ordinaires, n'exprimait pas assez le caractère d'urgence indispensable lors d'un signal de détresse".

La lettre D fut alors ajoutée afin de signifier "Détresse" ("Distress").

Le code CQD correspondait ainsi à un appel général à tous les navires, et indiquait que le navire émetteur était en détresse et demandait assistance immédiate.

Il fut utilisé pour la première fois en 1903 mais il ne devint officiel que le 1er Février 1904: "Tous les postes récepteurs doivent être bien pénétrés de l'importance et du caractère d'urgence de cet appel …".

Le sauvetage de 1600 passagers et membres d'équipage du Republic (paquebot de la White Star Line) et du Florida (navire italien) par le Baltic (autre paquebot de la White Star Line), le 23 Janvier 1909, à 175 milles de Nantucket, fut le moment déterminant dans l'histoire du sauvetage effectué grâce à la radiotélégraphie.
Le Republic fut éperonné par le Florida au milieu d'un brouillard dense. L'opérateur radio Jack Binns du Republic envoya le premier appel CQD de l'histoire qui pouvait faire craindre d'importantes pertes de vies humaines (le Florida n'était pas équipé de radio). Le Baltic arriva à la rescousse après de nombreuses heures de recherche du Republic dans le brouillard. Seuls 5 passagers du Republic trouvèrent la mort au moment de la collision.

Le 3 Novembre 1906, la Convention Radiotélégraphique Internationale de Berlin, signée par 27 pays, créa le signal SOS comme moyen d'appel à assistance.

Ces 3 lettres furent choisies pour la simplicité de leur codage et leur reconnaissance instantanée en code morse. Le signal SOS devait être répété à brefs intervalles.

 


Les codes CQD et SOS
en alphabet morse

 

Deux ans plus tard, le 1er Juillet 1908, le SOS devint le signal de détresse officiel.

Le premier SOS de l'histoire fut lancé le 10 Juin 1909 par le paquebot SS Slavonia de la Cunard Line, qui faisait route de New York vers Trieste et fit naufrage au large de l'île de Flores, dans l'archipel des Açores. Ses signaux de détresse furent entendus par deux autres paquebots: le Batavia, de la Hamburg America Line, qui sauva 300 passagers, et le Prinzess Irene, de Norddeutscher Lloyd, qui sauva 110 passagers. Il n'y eut pas de pertes humaines.

Mais, jusqu'en 1912, la prédominance de Marconi sur la radio maritime était telle que de nombreux navires utilisaient encore le CQD plutôt que le signal officiel SOS.

On peut le constater par les appels de détresse initial et final du Titanic: Jack Phillips resta fidèle au signal CQD jusqu'au moment ultime.

L'heure à bord du Titanic

Dans la chronologie des événements entourant le naufrage, la détermination de l'heure constitue une difficulté importante à laquelle se sont heurtées les Commissions d'enquête américaine et britannique.
Cela concerne, en particulier, la chronologie de l'envoi et de la réception des messages radiotélégraphiques.

En 1912, les fuseaux horaires n'étaient pas applicables en mer. Pendant les traversées transatlantiques, chaque navire avait son heure propre, basée sur les observations et les calculs quotidiens faits par le navigateur.

Selon le Shipbuilder, l'heure du Titanic était mise à jour quotidiennement à midi. Le navigateur déterminait ce midi lorsque le soleil croisait le méridien sur lequel était situé le navire.

L'heure du Titanic était "gardée" par 2 horloges mères situées dans la salle des cartes et qui ajustaient automatiquement quelques 48 horloges placées dans des endroits publics.

Compte tenu de ce principe de définition de l'heure, deux navires situés, par exemple, à la même latitude mais distants de quelques milles avaient donc des midis et des heures propres légèrement différents.
De même, deux navires faisant route dans des directions opposées et se croisant au milieu de la nuit, avaient fait chacun leur "midi" alors qu'ils étaient très éloignés et avaient des heures assez différentes.
Des événements simultanés pouvaient ainsi être enregistrés à des heures différentes sur des navires différents.

Ces écarts provoquèrent des confusions lors de la reconstitution des événements par la Commission d'enquête britannique.

Les heures indiquées par la suite sont exprimées en heures Titanic et ont été établies à partir des témoignages recueillis par la Commission d'enquête britannique.

Les avis de glace reçus par le Titanic

La tragédie du Titanic mit ce fait en lumière: en raison de l'afflux des messages personnels échangés entre la terre et les passagers, plusieurs avis de glace, parmi les 9 messages télégraphiques (ainsi qu'un message par signaux lumineux) que reçut le Titanic, ne furent pas transmis à la passerelle.
La liste des messages d'alerte est donnée dans la page Les avis de glace reçus par le Titanic.

 


Avis de glace transmis par le navire allemand Amerika
au Bureau Hydrographique de Washington,
4 h avant le choc contre l'iceberg:
"L'Amerika a rencontré deux gros icebergs
par 41°27' N et 50°9' O le 14 Avril".
Ce message, capté par le Titanic, fut transmis au Commandant Smith en personne

Les appels de détresse du Titanic

Sont décrits ci-après les événements liés à l'activité radiotélégraphique du Titanic et vus du navire.
Cette description se complète de la chronologie de l'ensemble des messages de détresse échangés avec et entre les navires environnants. Pour y accéder, consulter la page
Les messages de détresse.

A 23 h 55, dans la nuit du 14 au 15 Avril 1912, Harold Bride, qui s'était couché pendant son tour de repos, se réveille sans avoir entendu le choc du navire contre l'iceberg.

Il se lève et s'habille pour aller relever Jack Phillips car il lui avait proposé de prendre son tour de garde plus tôt qu'à l'habitude.

A 0 h 05, le Commandant Smith, informé de l'état des dégâts causés par l'iceberg et conscient du naufrage inéluctable, a donné l'ordre de décapeler les canots de sauvetage et de rend à la salle radio.

Il ouvre la porte de la cabine et déclare "Nous avons heurté un iceberg et j'effectue une inspection pour examiner les dégâts. Il vaudrait mieux que vous vous teniez prêts à envoyer l'appel d'assistance. Mais ne l'envoyez pas sans que je vous le dise".

Il ressort puis revient 10 minutes plus tard.

"Envoyez l'appel d'assistance" dit-il en passant la tête par la porte.

"Quel appel dois-je envoyer?" demande Phillips.

"L'appel réglementaire international d'assistance. Seulement ça". Puis le Commandant repart.

Phillips met alors les écouteurs et commence à taper le message contenant les codes MGY (indicatif du Titanic) et CQD ainsi que la position du navire: 41°44' N et 50°24' O.

Bride reçoit ensuite plusieurs réponses de navires éloignés.

Puis arrive un message encourageant du Carpathia, distant de 58 milles (107 km) et annonçant son approche.

A 0 h 25, Phillips lui répond de faire route rapidement et envoie plusieurs autres messages, tenant compte de la position corrigée à 41°46' N et 50°14' O fournie par le 4ème officier Boxhall.

 


Message du Titanic reçu par le Baltic:
"41°46' N - 50°14' O - Coulons -
Demande assistance immédiate"

 

Alors que les deux opérateurs plaisantent sur le fait d'envoyer le signal de détresse, le Commandant revient et demande "Qu'êtes-vous en train d'envoyer?". "CQD" répond Phillips.

Le Commandant Smith prend alors connaissance des messages reçus et calcule rapidement que le Carpathia, distant de 58 milles, mettra environ 4 heures pour rejoindre le Titanic. Ce sera trop tard, le Titanic aura sombré. Il repart ensuite.

Il est 0 h 45 lorsque Bride se penche vers Phillips et lui dit "Envoie un SOS. C'est le nouveau signal, et ça pourrait être ta dernière chance de l'envoyer".

Phillips envoie alors un message SOS, le 4ème jamais envoyé par un navire en perdition.

Suivent plusieurs autres messages CQD et/ou SOS et des échanges avec les navires environnants (Frankfurt, Olympic, Carpathia, Cincinatti, Mount Temple, Virginian, Baltic, Caronia). Des messages sont également échangés entre ces navires.

 


Message du Titanic reçu par le cargo russe Birma,
se dirigeant vers Rotterdam, à 23 h 56 (heure du Birma):
"CQD - SOS - de MGY - Avons heurté un iceberg -
Coulons rapidement - Venez à notre secours -
Position 41°46' N - 50°14' O"

 

A 2 h 05, le Commandant Smith, de retour à la salle radio pour la dernière fois, libère les deux opérateurs qui ont auparavant revêtu leurs gilets de sauvetage, en leur disant "Maintenant, c'est chacun pour soi" et "Les gars, vous pouvez partir maintenant. Vous avez fait du bon travail".

Alors que l'eau arrive dans la salle radio, Phillips reste encore quelques minutes pour tenter d'envoyer un ou deux autres messages de détresse;

Le dernier message envoyé et reçu distinctement est un appel général à la fois CQD et SOS.

 


Le dernier message du Titanic reçu par le Carpathia:
"SOS - SOS - CQD - CQD - MGY -
Coulons rapidement - Passagers sont mis dans les canots -
MGY"

 

Pendant ce temps, Bride entre dans la cabine de repos afin de récupérer l'argent de Phillips que ce dernier souhaite emporter. En se retournant, il voit un chauffeur, ou quelqu'un des ponts inférieurs, se pencher derrière Phillips. Ce dernier, trop occupé, ne remarque pas ce que fait l'homme: il essaie de faire glisser le gilet de sauvetage du dos de Phillips. Bride et Phillips parviennent à l'en empêcher. Phillips frappe l'homme jusqu'à ce qu'il s'écroule.

A 2 h 10, le Virginian perçoit deux "V", résultat d'un faible signal par étincelle semblable à celle du Titanic (Phillips ajuste son émetteur pour compenser la perte d'alimentation fournie par la salle des machines).

A 2 h 17, le Virginian entend un dernier appel CQ provenant du Titanic, mais ne parvient pas à le comprendre.

Les signaux du Titanic cessent brusquement comme si le courant avait été coupé.

En réalité, Phillips veut envoyer un CQD, mais il y a, à cet instant, une coupure d'alimentation dans la salle radio (l'eau envahit la timonerie). Phillips dit alors à Bride "Viens, partons".

L'énergie fournie à l'émetteur est devenue alors insuffisante pour générer les étincelles.

C'est le dernier message envoyé par le Titanic et tout le monde s'accordera à penser que ses opérateurs radio firent honneur à leur profession.

Nota: Le nouvel appel SOS, puisque non utilisé jusqu'alors, ne fut pas reconnu par certains navires environnants qui ne vinrent donc pas lui porter secours.

Le sort des opérateurs

Après l'envoi du dernier appel, Jack Phillips et Harold Bride quittent la salle radio.

Il reste alors environ 3 minutes avant que le navire sombre (il coule à 2 h 20, voir Nota).

Harold Bride remarque qu'on peut entendre l'eau monter dans la timonerie.

Revêtus de leurs gilets de sauvetage, ils montent rapidement sur le toit de la station radio et sur celui du quartier des officiers.

Des passagers s'efforcent de détacher le radeau pliable B et le faire descendre sur le pont des embarcations que l'eau envahit. Ils se joignent à eux pour leur venir en aide.

C'est ici, sur le pont, que Harold Bride voit Jack Phillips pour la dernière fois, debout sur le rouf.

Nota: Dans son témoignage, Bride déclarera qu'il a quitté la station radio 10 minutes avant que le Titanic sombre. Cependant, la Commission d'enquête britannique établira l'heure du dernier message envoyé à 2 h 17 et celle de la disparition du navire à 2 h 20.

Une grosse vague, créée par la proue qui s'enfonce, balaie le radeau auquel Bride se tient par un tolet.

Il se retrouve sous le radeau qui s'est retourné dans sa chute. Il reste là pendant ½ h à ¾ h puis, alors que le Titanic a coulé, parvient à se hisser sur le fond du radeau renversé. D'autres hommes y ont déjà pris place.

Les pieds écrasés et à moitié gelés en raison de son séjour dans l'eau et de sa position inconfortable sur le canot, il finit par être récupéré par le Carpathia.

Jack Phillips, déjà très fatigué car il a dû, la nuit précédente, rester éveillé pour réparer l'équipement radio, meurt d'hypothermie sur ou près du radeau B. Harold Bride ne l'a pas vu.
Son corps ne sera jamais retrouvé.

 


Mémorial dédié aux Opérateurs Radio décédés à leur poste
Battery Park, New York
(Remarquer le nom de Jack Phillips)

 

Harold Bride poursuivra sa carrière de radiotélégraphiste et quittera la mer après la 1ère guerre mondiale, puis se mariera et aura 3 enfants.

Très affecté par la mort de son collègue et ami, il détestera parler du Titanic et vivra dans l'ombre.

Il deviendra voyageur de commerce et finira ses jours en Ecosse où il décédera de complications pulmonaires en 1956, à l'âge de 66 ans.

 

Chaque année après le naufrage, le 15 Avril, à 2 h 17, heure où Jack Phillips envoya son dernier message de détresse, tous les radionavigants du monde interrompront le trafic afin d'observer 5 minutes de silence pour honorer la mémoire de l'héroïque radio du Titanic.

 

"Il ne fait aucun doute que personne n'aurait survécu au naufrage du Titanic s'il n'y avait eu la grande invention du Signor Marconi. Je suggère, par conséquent, que l'un des paquebots lancés prochainement soit baptisé Marconi."

Lorenzo Salazar, lecteur du Daily Sketch, dans une lettre adressée au journal et publiée le 1er Mai 1912.

 

 

Le R.M.S. Titanic

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