Le coin
Il existe un terme de navigation particulier, "le coin", de l'anglais "corner", appelé aussi parfois "le coin de la rue" ou encore "l'angle", qui désigne un point de l'Atlantique Nord où les navires à destination de l'Amérique, au lieu de maintenir leur route cap au Sud-Ouest et d'obliquer au dernier moment vers le continent, à proximité des bancs de Terre-Neuve, corrigent leur cap en obliquant plus tôt vers le Sud pour continuer presque plein Ouest, afin d'éviter les glaces flottantes qui se détachent du Pôle Nord et dérivent vers le Sud, portées par les courants du Labrador.
Lors d'une conférence internationale qui
s'était tenue à Londres en 1898 et à laquelle assistait Joseph
Bruce Ismay, les représentants des plus grandes compagnies
transatlantiques s'étaient mis d'accord pour adopter ce principe
et définir ce fameux coin.
Le coin fut ainsi défini comme étant est la position sur le 42ème
degré de latitude Nord à laquelle le navire doit franchir le 47ème
degré de longitude Ouest.
Représentation du
COIN et des routes suivies
En vertu des conditions spécifiques de l'Atlantique Nord entre le 45ème et le 40ème parallèles, liées aux brumes des bancs de Terre-Neuve et à la dérive des glaces, la convention prévoyait 2 routes à double couloir.
La première route, le plus au Nord et la
plus courte, devait être empruntée du 15 Août au 14 Janvier,
à une époque où la dérive des glaces est la plus limitée et
ne dépasse pas le 45ème parallèle.
En revanche, du 15 Janvier au 14 Août, la route était reportée
à 200 milles plus au Sud, de manière à éviter au maximum la
zone dangereuse. Cette route est appelée l'Outward Southern
Track.
La convention donnait, pour la période du
15 Janvier au 14 Août, les directives suivantes:
"Naviguer à partir du Fastnet ou du Bishop Rock, suivant un
arc de grand
cercle, sans faire du tout au
Sud, jusqu'à ce que l'on franchisse le 47ème
méridien de longitude Ouest par 42° de latitude Nord, soit par
la loxodromie, soit par l'arc de grand cercle (si
l'on trouve du courant portant à l'Est), jusqu'à ce que l'on
parvienne au Sud du bateau-feu de Nantucket et de là jusqu'au
bateau-feu de Fire Island, si l'on va à New York, ou du
bateau-feu de Five Fathom Bank, si l'on va à Philadelphie.
Au moment de leur adoption, ces itinéraires
avaient fait l'objet de sévères critiques. C'est ainsi que le
journal Yacht reprochait à la route du 15
Août au 14 Janvier de passer en plein sur les bancs de
Terre-Neuve, juste à l'époque où la pêche à la morue bat son
plein.
Inutile de dire qu'en 1912, la plupart des commandants de navires
ne tenaient pas compte de cette convention car elle créait une
allongement de la durée des traversées mais aussi une
augmentation de la consommation des navires en charbon.
Pourtant, force est de constater que le 14
Avril 1912 à 11 h 40, le Titanic suivait
parfaitement la route fixée par la convention internationale en
vigueur dès 1899 et à laquelle la White Star Line avait
adhéré. Il naviguait même plus au Sud, à 10 milles environ,
et franchit le coin vers 17 h 30.
Même avec les rapports sur les glaces à sa disposition et à
celle de sa compagnie, le Commandant Smith n'avait pas modifié
la route conventionnelle (pas plus qu'il n'en avait reçu l'ordre
de la compagnie) établie vers l'Ouest pour cette période de
l'année.
Cette route plaçait néanmoins le Titanic presque au milieu des glaces signalées entre le 7 et le 12 Avril, période à laquelle on avait enregistré la dérive de growlers et même de grands icebergs au Sud du 38ème parallèle jusqu'à la hauteur de Détroit de Gibraltar. Cette dérive était exceptionnelle en raison de l'hiver anormalement doux qui avait régné sur l'Atlantique Nord.
Photographie du champ de glaces au large du
banc de Terre-Neuve
prise du paquebot Rochambeau de la Compagnie Générale Transatlantique,
début Mars 1912
LEXIQUE
Carte marine (surface plane) sur laquelle les parallèles et les méridiens sont représentés par des droites perpendiculaires.
Cercle de la sphère terrestre de même diamètre et de même centre que celle-ci.
L'équateur et les méridiens sont des grands cercles particuliers.
Par deux points distincts situés sur la sphère terrestre, il ne passe qu'un seul grand cercle.
Bloc de glace de taille inférieure à celle des icebergs, appelé aussi "bourguignon".
Loxodromie (voir représentation graphique de Mercator):
L'arc de grand cercle, chemin le plus court entre deux points sur la sphère terrestre, n'est pas facilement représentable sur une carte marine usuelle en projection de Mercator, car sa direction, c'est à dire l'angle sous lequel il coupe les méridiens, qui représente également le cap du navire, n'est pas constante.
Aussi une route réelle est-elle figurée par un segment de ligne droite qui lui, coupe les méridiens à angle constant et peut être suivi par les bâtiments.
Cette ligne droite est appelée loxodromie: elle est paradoxalement un peu plus longue que l'orthodromie correspondante.
Orthodromie (voir représentation graphique de Mercator):
Sur une carte marine en projection de Mercator, une route joignant deux points en suivant la projection d'un arc de grand cercle porte le nom d'orthodromie.