Les Chantiers Harland & Wolff

 


Fanion des Chantiers Harland & Wolff

 


L'entrée des Chantiers Harland & Wolff, en 1912

 

Naissance des Chantiers

L'histoire des Chantiers navals Harland & Wolff est étroitement liée à celle la White Star Line.
Voici sa chronologie, jusqu'à la construction du
Titanic.

La tradition de la construction navale à Belfast, Irlande, remonte à plusieurs siècles: c'est en 1663 qu'y fut construit et enregistré le premier navire.

Le "Ballast Board", devenu ensuite le "Belfast Harbour Commissioners" (les "Commissaires du Port de Belfast"), fut constitué en 1785 et entreprit aussitôt de redresser le cours sinueux de la rivière Lagan et de construire de nouveaux quais. Les déblais retirés formèrent une île appelée Dargan's Island rebaptisée Queen's Island en commémoration de la visite de la Reine Victoria, en 1849.

1853
Robert Hickson, reçoit l'accord des Commissaires du Port pour créer un chantier naval sur Queen's Island.

1857
Edward James Harland, chef de chantier de Hickson, le lui rachète pour la somme de 5000 £, avec l'aide financière de Gustavus C. Schwabe, petit armateur allemand de Liverpool.

1861
Le 11 Avril, Harland s'associe à Gustav Wilhelm Wolff, neveu de Schwabe.

1862
Le 1er Janvier, les chantiers prennent le nom de Harland & Wolff, qu'ils conservent aujourd'hui encore.

 


Edward James Harland et Gustav Wilhelm Wolff

 

1868
En Janvier, Thomas Henry Ismay, âgé de 31 ans, Directeur de la compagnie National Line, de Liverpool, et Edward Harland, Directeur des Chantiers Harland & Wolff, s'associent et rachètent la White Star Line pour la somme de 1000 £.
Des relations étroites s'instaurent alors entre la White Star Line et les Chantiers Harland & Wolff.

 


Thomas Henry Ismay

 

1869
Le 30 Juillet, la White Star Line passe sa première commande aux Chantiers Harland & Wolff.
Le 6 Septembre, Thomas Henry Ismay fonde la Compagnie Oceanic Steam Navigation Co. Ltd, société mère de la White Star Line, au capital de 400 000 £.
L'objectif de la nouvelle compagnie est de faire de la White Star Line une ligne de paquebots à vapeur de grande classe sur les routes de l'Atlantique.
Ismay décide que les navires de la compagnie auront désormais une structure d'acier et non plus de bois.
Un contrat de partenariat exclusif est conclu entre la White Star Line et les Chantiers Harland & Wolff: la White Star ne commandera ses navires qu'aux Chantiers, lesquels ne fabriqueront que pour elle.

1870
En Août, est lancé le premier paquebot Oceanic. Il sera suivi de l'Atlantic, des premiers Baltic et Republic, puis d'une longue liste de remarquables paquebots, évoluant de la propulsion à voiles à celle à vapeur puis de la machine à expansion à la turbine.

1874
William James Pirrie, entré en 1862 à l'âge de 15 ans comme apprenti dessinateur dans les Chantiers Harland & Wolff et devenu architecte en chef, est admis dans le partenariat de l'entreprise.
Les Chantiers sont dirigés par une équipe de 4 directeurs: Edward James Harland, Gustav Wilhelm Wolff, Walter Henry Wilson et William James Pirrie.

 


De gauche à droite:
G. W. Wolff, W. H. Wilson, Lord Pirrie, E. J. Harland

 

1891
Joseph Bruce Ismay, 28 ans, fils aîné de Thomas Henry Ismay, actionnaire des Chantiers Harland & Wolff, devient associé de la White Star Line.

 


Joseph Bruce Ismay

 

1894
William James Pirrie devient Président des Chantiers Harland & Wolff. Il est assisté de 5 directeurs ayant chacun leur propre secteur d'activité.

 


William James Pirrie

 

1895
Décès de Edward James Harland.
L'année suivante, Gustav Wilhelm Wolff prend sa retraite.

1902
En Octobre, la White Star Line est rachetée, pour 10 millions £, par l'International Mercantile Marine Company (IMMCO), société de transport maritime appartenant au financier américain John Pierpont Morgan .

1904
En Février, William James Pirrie, Président des Chantiers Harland & Wolff, devient administrateur de l'International Mercantile Marine Co. tandis que Joseph Bruce Ismay, soutenu par Morgan, devient le Président Directeur Général de l'International Mercantile Marine Co., avec les pleins pouvoirs.

1906
William James Pirrie est élevé à la dignité de Lord.

1907
Au cours d'un dîner d'été au domicile londonien de Lord Pirrie (Downshire House, dans le quartier chic de Belgrave), Joseph Bruce Ismay discute de la construction de 2 grands bâtiments (un 3ème devant s'y ajouter ultérieurement) pour rivaliser de luxe, de taille et de vitesse, avec ceux des autres compagnies. Ces navires seront de classe dite "Olympic" et sont destinés essentiellement à battre la compagnie rivale Cunard Line dans la bataille du transport des passagers dans l'Atlantique Nord.

Au début du XXème siècle, les Chantiers Harland & Wolff sont devenus les plus importants du monde: leur savoir-faire en matière de conception et de fabrication est universellement reconnu.

 


Les Chantiers Harland & Wolff, au XIXème siècle

 

Les Chantiers, en 1910 - 1912

Aménagements pour grands paquebots

De 1906 à 1908, sous la planification et la direction de Lord Pirrie, les Chantiers Harland & Wolff furent considérablement agrandis et modernisés.

En 1910 - 1912, les Chantiers étaient très étendus et leurs ateliers employaient plus de 14000 personnes.
Il n'existait pas moins de 8 cales de construction, toutes capables de recevoir de gros navires.
Les cales N° 2 et N° 3 avaient été spécialement conçues pour la construction des nouveaux paquebots de classe "Olympic" de la White Star Line, à l'emplacement précédemment occupé par 3 cales; la grande augmentation de taille des 2 navires,
Olympic et Titanic, nécessitant une réduction du nombre de cales.
Les nouvelles cales s'étendaient sur 256 m de long et 73 m de large. Leur sol avait été concassé et recouvert de béton, sur 1,40 m d'épaisseur à certains endroits, renforcé par une structure d'acier.

 


Plan des Chantiers Harland & Wolff sur Queen's Island

 

C'est sur la cale N° 2 que fut construit l'Olympic et sur la cale adjacente N° 3 que le fut le Titanic.
Le lancement de l'
Olympic eut lieu le 20 Octobre 1910 et celui du Titanic le 31 Mai 1911.

 


A gauche, le Titanic en construction sur la cale N° 3 et, à droite, l'Olympic sur la cale N° 2
(le drapeau des Chantiers flotte au sommet, à gauche)

 

Équipement en grues

Au-dessus des nouvelles cales, fut érigée une immense structure destinée à supporter les grues indispensables au montage économique et au rivetage hydraulique de grands navires.

Ce gigantesque portique appelé "Portique Arrol", le plus grand échafaudage alors au monde, enjambait les deux cales N° 2 et N° 3. Il était composé de 3 rangées de tours espacées de 37 m, de centre à centre, chaque rangée comprenant 11 tours espacées de 24 m, de centre à centre. Chaque tour mesurait à sa base 6,40 m sur 2,70 m et était fixée dans de robustes fondations en béton reposant sur des pieux de 12 m.

Note: Sir William Arrol (1839-1913) fut le plus grand constructeur britannique de ponts et de grues. Il fut notamment responsable des travaux d'aciérie du London Bridge et du pont de chemin de fer Scotland's Forth Bridge.

 


Le portique Arrol

 


Autre vue du portique Arrol: remarquer les 3 ouvriers en haut, à gauche
(le drapeau des Chantiers flotte au sommet)

 

A leur sommet, les tours étaient reliées par des poutrelles placées en travers des cales et, à un niveau inférieur, par des poutrelles avant et arrière qui laissaient une place au cheminement de diverses grues.
L'accès à la partie supérieure de la structure et aux navires en construction était assuré par 4 grands monte-charge électriques. La superficie couverte dépassait 256 m de long sur 82 m de large.
L'équipement en grues des cales N° 2 et N° 3 était le suivant:

La hauteur totale de la structure, du sol de la cale au sommet de la grue supérieure, ne faisait pas moins de 69,50 m. Le poids total de la structure et de l'équipement excédait 6000 tonnes.

 


Schéma en coupe du portique Arrol
(Cliquez pour voir les plans en coupes verticale et longitudinale)

 

L'équipement du reste des cales de construction comprenait:

Les Chantiers possédaient également une cale sèche, la cale Thompson, destinée à la réparation des navires. Ils étaient le seul chantier naval à disposer d'une cale aussi grande.

 


La cale sèche Thompson
avec, à droite, l'
Olympic en approche et, à l'arrière-plan, le Titanic

 

Les ateliers

Les plans des paquebots de classe "Olympic" furent dessinés par une équipe d'architectes navals que dirigeait Alexander Montgomery Carlisle (surnommé "Big Alec"), beau-frère de Lord Pirrie et Directeur Général des Chantiers, qui avait la responsabilité des emménagements des navires, de leur décoration, et de tous les dispositifs de sauvetage. Lorsqu'il prit sa retraite, en 1910, Thomas Andrews, neveu de Lord Pirrie, lui succéda et devint le nouveau Directeur Général des Chantiers, chargé de la conception.

Thomas Andrews était aussi à la tête du Groupe de Garantie, chargé de familiariser les équipages avec leurs nouveaux navires, de repérer toute anomalie et d'y apporter, si possible, une solution immédiate.

 


Alexander Montgomery Carlisle et Thomas Andrews

 

Né à Comber, Irlande du Nord, en 1873, Thomas Andrews entra, à l'âge de11 ans, à l'Académie Royale de Belfast. Il quitta l'école 5 ans plus tard pour entrer aux Chantiers Harland & Wolff en tant qu'apprenti. Gravissant tous les échelons grâce à ses compétences et à son travail dans différents services, il devint Chef du bureau de dessin et connaissait ainsi tous les détails de la construction des navires. En 1901, à l'âge de 28 ans, il devint membre de l'Institut des Architectes Navals.

Les Chantiers Harland & Wolff possédaient un vaste bureau de dessin ainsi que des ateliers les mieux équipés de l'époque.

 


Le bureau de dessin

 

Afin d'adapter l'activité de tôlerie à la construction des grands paquebots, les ateliers adjacents aux cales n° 2 et 3 furent en grande partie réaménagés et équipés de machines dernier cri.

L'un des plus importants ateliers fut celui de construction des chaudières mesurant 250 m de long sur 49 m de large, avec une aile longue de 139 m et large de 27,50 m.

Le long de l'atelier des chaudières, se trouvait le quai où se tenaient les navires tandis que l'on chargeait les machines à leur bord.
Dans le cas de l'
Olympic et du Titanic, en raison de leur taille, ce quai ne put pas être utilisé et les machines furent hissées à bord au moyen d'une grue flottante de 200 tonnes, propriété des Chantiers.

 

Cliquez sur les images pour les agrandir
   
Atelier de tôlerie   Salle à tracer   Atelier de menuiserie
         
   
Atelier de menuiserie   Atelier des chaudières   Atelier de fonderie
         
   
Atelier des valves   Atelier des turbines   Atelier d'usinage au tour

 

Les conditions de travail dans les Chantiers

 


Sortie des ouvriers des Chantiers, sur Queen's Road
 

De 150 ouvriers en 1862, les Chantiers Harland & Wolff étaient passés à près de 15000 en 1912.
Les conditions de travail en vigueur dans l'entreprise pendant les années 1910 à 1916 qui virent la réalisation de l'
Olympic, du Titanic et du Britannic, 3ème navire de la série, sont décrites par un ouvrier des chantiers.

Horaires de travail et rémunération

Début de la journée à 7 h 50, fin à 17 h 30.
10 mn de pause à 10 h et ½ h de pause pour le déjeuner.
Le samedi fait partie de la semaine de travail, l'horaire étant de 7 h 50 à 12 h 30.
Cela faisait une journée de travail de 9 h et une semaine de 49 h.
En effectuant cet horaire, un ouvrier qualifié pouvait gagner 2 £ par semaine et, s'il travaillait toute la nuit du Vendredi et toute la journée du Samedi, pouvait porter son salaire à 5 £.
Il n'existait aucun équipement particulier ni installation moderne tels que cantine ou douches.

Congés

2 jours à Noël, 2 jours à Pâques et 1 semaine en été (Juillet).
"
Ces congés n'étaient pas payés et les femmes des travailleurs économisaient 1 shilling par semaine sur le salaire de leur mari pour aider à couvrir ces 'périodes de congés'. La même règle s'appliquait lors d'un lancement dans le chantier naval.
Ceux dont la présence n'était pas exigée ce jour là étaient prévenus la veille de ne pas se présenter au travail. Cependant, lorsque nous lisions
« Le chantier sera en congé pour lancement », cela signifiait en réalité que quelques familles d'hommes mariés devaient supporter un nombre indiscutable de privations (la perte d'une journée de salaire), les gens étant pauvres et l'argent et le travail si rare".

Les Chantiers Harland & Wolff étaient considérés comme un bon employeur: un manoeuvre y gagnait ainsi environ 2 £ par semaine alors que le salaire hebdomadaire moyen de l'époque variait entre 1 £ et 2 £.

 


Quelques uns des 15000 ouvriers des Chantiers posant devant la coque du Titanic
(On remarque le port général de la casquette)

 

Harland & Wolff, aujourd'hui

En 1971, le célèbre et immense portique Arrol enjambant les 2 cales N° 2 et 3 fut démoli pour faire place à un parking réservé aux employés des Chantiers.

 


Démolition du portique Arrol

 

Après l'Olympic et le Titanic, les Chantiers Harland & Wolff continuèrent à construire des navires de haute qualité. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils construisirent près de 150 navires de guerre. Tout en réalisant d'importants efforts de productivité grâce à la méthode japonaise "Kaisen" ("Juste à temps"), ils s'orientèrent vers la construction de pétroliers et de plates-formes off-shore. Mais avec le déclin de la construction navale, ils travaillèrent ensuite en majorité sur des projets d’énergie éolienne et de génie maritime, le dernier navire étant sorti en 2003.
En 2018, les chantiers, qui avaient compté jusqu'à 30 000 employés dans les heures de gloire, n'employaient plus que 120 personnes.
Victimes de la concurrence, ils furent mis en redressement judiciaire début Août 2019.

 


Les Chantiers Harland & Wolff, de nos jours,
avec leurs derniers portiques Samson et Goliath
(Aire N° 1: où furent armés l'Olympic et le Titanic
Aire N° 2: où fut construit le
Titanic
Aire N° 3: où fut construit l'
Olympic)
 

 

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