Les sportifs à bord du Titanic

 

Parmi les passagers du Titanic se trouvaient de nombreux sportifs amateurs pratiquant le tennis, la natation, l'escrime, le yachting ou encore la chasse, pour les plus aisés.
Pour maintenir leur forme physique, ou simplement pour leur plaisir, la White Star Line avait fait installer sur le paquebot un gymnase, une piscine d'eau de mer chauffée et un court de squash, accessibles seulement aux passagers de 1ère classe moyennant parfois l'acquittement d'une modique somme.

L'un de ces amateurs possédait un remarquable palmarès: Sir Cosmo Duff Gordon, 49 ans, avait été médaillé d'argent de la compétition d'épée par équipe aux Jeux Olympiques d'Athènes, en 1906. Aux Jeux Olympiques de Londres, en 1908, il avait fait partie du comité des officiels pour les épreuves d'escrime.

 

Sir Cosmo Duff Gordon

 

A bord du Titanic, Sir Cosmo accompagnait son épouse Lucy, créatrice de mode, propriétaire de boutiques à l'enseigne "La Maison Lucile", qui se rendait à New York pour ses affaires. Le couple voyageait en 1ère classe et, pour une raison inconnue, sous le le nom d'emprunt de Mr. et Mrs. Morgan. Tous deux furent rescapés à bord du canot n° 1.

 

Outre les amateurs, cinq passagers avaient fait du sport une activité quasi professionnelle et effectuaient la traversée vers l'Amérique pour participer à des matchs ou des tournois: ils pratiquaient la boxe, le tennis ou le squash.
C'est à eux que cette page est dédiée.

 

 

David "Dai" John BOWEN

Gallois âgé de 21 ans, marié, Bowen était mineur mais aussi boxeur professionnel et champion des poids légers du Pays de Galles. Il était considéré comme un combattant prometteur.
Il se rendait aux États-Unis sous contrat pour participer à une série de matchs de boxe.

Plus jeune, Bowen avait été envoyé en Inde avec l'armée britannique, où il avait remporté de nombreux trophées grâce à ses talents de boxeur.

 

David John Bowen

 

Leslie WILLIAMS

Gallois âgé de 28 ans, marié et père d'un fils, Williams était maréchal-ferrant mais boxait en professionnel dans la catégorie des poids coqs.
Williams avait un poids de ring de 122 livres (56,300 kg) et était plus léger que Bowen de quelques livres.
Tous deux avaient le même entraîneur, George Cundick.
Il se rendait également aux États-Unis sous contrat pour une série de compétitions de boxe. Il effectuait la traversée en compagnie de son ami David Bowen et était le moins connu des deux.

 

Leslie Williams

 

Bowen et Williams embarquèrent sur le Titanic comme passagers de 3ème classe.
Ils disparurent tous les deux dans le naufrage.
Le corps de Bowen, s'il fut retrouvé, ne fut jamais identifié.
Celui de Williams fut retrouvé par le navire câblier Mackay-Bennett et répertorié sous le n° 14. Trop endommagé, il fut confié à la mer le 22 Avril.

 

Karl Howell BEHR

Américain âgé de 26 ans, Behr, qui avait étudié à l'université de Yale et admis au barreau en 1910, était aussi un excellent joueur de tennis.
En 1907, il avait été membre de l'équipe des États-Unis de Coupe Davis et finaliste du double messieurs des championnats internationaux de Wimbledon, associé à son compatriote Beals C. Wright
Il fréquentait Helen Monypeny Newsom, 19 ans, une amie de sa sœur, contre la volonté de Mrs Beckwith, la mère d'Helen.

Veuve de Logan C. Newsom, Sarah "Sallie" Newsom s'était remariée à Richard Leonard Beckwith. Helen Newsom était née de son premier mariage.
Mrs Beckwith organisa un grand voyage en Europe au cours duquel sa fille Helen et son second époux l'accompagnèrent. Par ce voyage, elle pensait séparer quelque temps les deux amoureux et décourager définitivement la relation de sa fille. Mais il n'en fut rien.

Karl Behr inventa lui aussi un voyage en Europe et s'arrangea pour réserver sa traversée de retour sur le Titanic, comme les Beckwith. Tous se retrouvèrent comme passagers de 1ère classe et embarquèrent à Cherbourg.

 

Karl Howell Behr

 

La nuit du naufrage, Karl Behr se joignit aux Beckwith et à Helen Newsom sur le côté tribord du pont des embarcations. Avec l'accord du 3ème Officier Herbert Pitman, tous réussirent à prendre place dans le canot n° 5.
A bord du canot, Karl Behr frotta délicatement les pieds d'Helen qui souffrait du froid. Tout à coup, quelqu'un lui toucha l'épaule. Il se redressa, face à un homme qui tenait à la main un revolver à crosse nickelée. "Si nous sommes réduits à la dernière extrémité, murmura l'étrange personnage, vous pourrez utiliser cette arme pour votre femme, quand ma femme et moi n'en aurons plus besoin". Il parla avec une telle courtoisie que Behr ne put que le remercier poliment de son offre. Personne n'eut à recourir à cette arme: le Carpathia les sauva.

Tard dans la nuit du Mardi 16 Avril, le Carpathia essuya une forte tempête. Karl Behr, qui dormait sur une table, se réveilla en sursaut en entendant un craquement sinistre. Pensant que le Carpathia avait lui-même heurté un iceberg, son premier réflexe fut d'aller chercher Helen qui dormait dans une autre pièce. A l'instant où il parvint sur le pont, un formidable éclair illumina toute la scène. Rassuré, Behr revint à son lit de fortune.

Pendant le voyage de retour à New York, Behr et d'autres rescapés, comme Margaret "Molly" Brown, formèrent un comité pour honorer la bravoure du Commandant Rostron et de son équipage. Ils offrirent au Commandant une coupe d'argent gravée et une médaille à chaque membre de l'équipage.

Le 18 Avril, à l'arrivée du Carpathia à New York, Karl Behr fut accueilli par ses sœurs et par son père, assis dans une chaise roulante, les jambes enveloppées dans une couverture. Il fut horrifié de voir son père aussi faible: les derniers jours de folle anxiété avaient sévèrement affecté la santé du vieil homme.

Le 1er Mars 1913, Karl Behr et Helen Newsom se marièrent à l'Église de la Transfiguration de New York. Les journaux annoncèrent à grand fracas que Karl avait demandé la main d'Helen alors qu'ils se trouvaient dans le canot de sauvetage. Le couple eut ensuite trois fils et une fille.

Après son retour en Amérique, Karl Behr poursuivit sa carrière de tennisman et, en 1915, comptait parmi les dix meilleurs joueurs mondiaux.

Karl Behr devint ensuite banquier, administrateur de la Herman Behr Company et vice-président de Dillon, Read & Co., à New York. Il fut aussi administrateur de plusieurs autres sociétés, dont Goodyear Tyre & Rubber et National Cash Registern, et candidat au poste de Gouverneur du Territoire de l'Alaska.

Karl Behr décéda en 1949, à l'âge de 64 ans. Helen se remaria à Dean Mathey, l'un des meilleurs amis et partenaires de tennis de Karl. Elle décéda en 1965, à l'âge de 72 ans.

 

Charles Eugene WILLIAMS

Anglais âgé de 23 ans, Williams était devenu, l'année précédente, champion du monde de squash en battant le joueur indien Jamsitjee. Il partait défendre son titre à New York en participant à un match prévu le 29 Avril 1912 contre le joueur américain G. Standing et comptant pour la défense de son titre.
Il embarqua sur le Titanic à Southampton, comme passager de 2ème classe.

Pendant la traversée, il s'entraîna sur le court de squash. Il s'y trouvait le soir du naufrage et le quitta à 22 h 30 pour se rendre au fumoir.
Lorsqu'il perçut le choc contre l'iceberg, il sortit précipitamment et vit l'iceberg qui, selon lui, s'élevait à 30 mètres au-dessus du pont. L'iceberg se fractura en passant à mi navire et poursuivit sa dérive.

 

Charles Eugene Williams

 

Au moment du naufrage, Williams sauta à la mer aussi loin qu'il put, du côté tribord. Il parvint à rejoindre un canot de sauvetage dans lequel il eut de l'eau jusqu'aux genoux. Ne faisant pas partie des rescapés identifiés des radeaux pliables A et B, il est vraisemblable qu'il prit place à bord du canot n° 14.

On ne sait que très peu de choses sur sa vie. Marié et père de 6 enfants, il décéda à Chicago en 1935, à l'âge de 47 ans.

Fréquemment, son homonymie le fit confondre avec Richard Norris Williams.

 

Richard Norris WILLIAMS II

Américain âgé de 21 ans et né à Genève, Richard Norris Williams effectuait la traversée en compagnie de son père, Charles Duane Williams. Les deux hommes se rendaient de Genève, où la famille Williams résidait, à Radnor, Pennsylvanie. Ils embarquèrent à Cherbourg, comme passagers de 1ère classe.
Richard était un joueur de tennis accompli et devait participer à plusieurs tournois en Amérique, avant d'aller étudier à l'université de Harvard.

Peu après la collision avec l'iceberg, Richard et son père quittèrent leur cabine sur le pont C et virent un steward tenter d'ouvrir la porte d'une autre cabine derrière laquelle un passager paniqué était enfermé car il ne parvenait pas à sortir. Williams la brisa d'un coup d'épaule et le steward le menaça de déclarer les dégâts à la compagnie.

Vers minuit, Richard et son père se rendirent au bar mais le trouvèrent fermé. Il demandèrent à un steward s'il pouvait leur ouvrir mais celui-ci le leur refusa en disant que cela était contraire au règlement. Charles donna alors sa flasque vide à Richard; elle est désormais conservée dans la famille.

Les deux hommes parcoururent les ponts alors que le paquebot sombrait, se rendirent sur le pont A pour regarder la carte sur laquelle était affiché le parcours quotidien du navire, puis revinrent sur le pont B pour voir les lumières des canots scintillant au loin. Comme il faisait très froid, ils se retirèrent dans le gymnase où ils enfourchèrent les bicyclettes fixes pendant que le moniteur, William McCawley, discutait avec les autres passagers qui s'étaient réunis là.

 

Karl Howell Behr et Richard Norris Williams,
lors de la Coupe Davis 1914
perdue par les États-Unis face à l'Australie

 

Dans les derniers instants du drame, Richard vit son père écrasé sur le coup, comme beaucoup d'autres, par la chute de la cheminée avant. Il évita celle-ci de justesse et la vague qu'elle provoqua l'entraîna vers le radeau pliable A auquel il s'accrocha pendant quelque temps avant d'être hissé à bord.
Tout en nageant, Richard eut la surprise de se trouver face à face avec Gamin de Pycombe, le bouledogue de concours appartenant au passager de 1ère classe Richard Williams Daniel, libéré du chenil avec les autres chiens, qui se débattait dans l'eau lui aussi.
Avec les autres occupants du radeau A, Richard fut transféré sur le canot n° 14. Il parvint à oublier le froid pendant un moment quand il fut distrait par la vue d'un homme portant un chapeau melon cabossé. Il essaya dans différentes langues (allemand, italien, français), puis par gestes et par signes, d'expliquer à l'homme comment le redresser mais celui-ci parut ne pas le comprendre. En désespoir de cause, Richard tenta de le faire lui-même mais l'homme résista, pensant que richard essayait de lui voler son chapeau.

 

Richard Norris Williams

 

Les rescapés du radeau A inondé souffrirent terriblement du froid car ils eurent de l'eau jusqu'à la taille. Les jambes de Richard furent gelées. Une fois sauvé par le Carpathia, le médecin du bord recommanda à Richard une amputation des deux jambes et lui proposa de l'opérer sans attendre. Richard refusa. Il affirma qu'il serait capable de récupérer en se forçant à marcher toutes les deux heures, jour et nuit. C'est ce qu'il fit et, peu à peu, à force de volonté et de courage, il réussit à recouvrer le plein usage de ses jambes.
A bord du Carpathia, il trouva que bon nombre de ses compagnons exagéraient leur misère. Il se mit ainsi en colère contre une femme qui se plaignait abondamment d'avoir été contrainte d'aider aux avirons dans un canot où il ne se trouvait pas assez d'hommes et d'avoir récolté des ampoules aux mains.

En Mai 1912, Richard Williams revint en Europe à bord du paquebot France qui effectuait son voyage inaugural de retour. Quelques mois plus tard, il fut de retour en Amérique, pour jouer au tennis et entrer à Harvard.

Malgré son épreuve traumatisante et ses lésions aux jambes, Richard poursuivit sa carrière de joueur de tennis.
En 1912, il remporta le double mixte du championnat des États-Unis, associé à Mrs Mary Browne. Fin 1912, il était le n° 2 des États-Unis. En 1914 et 1916, il fut champion des États-Unis en simple. En 1920, il remporta le double messieurs des internationaux de Wimbledon, associé à Chuck S. Garland, et fut finaliste en 1924, associé à Watson "Watty" McLean Washburn. En 1934, aux Jeux Olympiques de Paris, il fut médaillé d'or en double mixte, associé à Hazel Wightman. Enfin, de 1913 à 1926, puis en 1934, il fut membre de l'équipe américaine de Coupe Davis dont il fut aussi le capitaine.
En 1935, à l'âge de 44 ans, Richard Williams mit fin à sa carrière de tennisman: cette année-là, il passa à nouveau un tour au championnat des États-Unis.

 

Richard Norris Williams, en 1925

 

Pendant la 1ère Guerre Mondiale, Richard Williams servit avec mérite dans l'armée américaine. E France, il fut fait Chevalier de la Légion d'Honneur et décoré de la Croix de Guerre pour services rendus lors de la Bataille de le Marne.

Il devint ensuite un banquier prospère et fut, pendant 22 ans, président de la Historical Society of Pennsylvania .

Marié à Sue W. Gillmore, père de trois fils et d'une fille, Charles Norris Williams décéda d'emphysème en 1968, à l'âge de 77 ans.

 

Le R.M.S. Titanic

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